Les gardien•nes du statu quo et du système ne seraient-iels pas à l’origine de bien plus de souffrance et d’injustice que les militant•es radicaux•ales qui les combattent ?
« Lausanne : une salle communale louée aux extrémistes d’Extinction Rebellion […] » 1
« Le mouvement radical Extinction Rebellion […]. Les vandales de l’écologie […] » 2
« […] radicalisation d’une certaine partie de la mouvance écologiste. […] une jeunesse illuminée, endoctrinée, fanatisée […] » 3
S’il n’est pas si courant que cela de tomber sur ce genre de qualificatifs dans les médias grands publics un tant soit peu « sérieux », on les trouve tout de même très régulièrement dans les pages des feuilles de choux nauséabondes de droite (1), (2). Sans compter les blogs complotistes, climatosceptiques ou de « réinformation ». Le problème de ces médias « alternatifs » c’est qu’ils existent, et par conséquent qu’ils sont lus par certaines personnes. Et quand ce ne sont pas les médias qui sont nauséabonds, ce sont les journalistes ou politiques qui publient leur opinion dans un média grand public (3). Le média francophone le plus lu en Amérique du Nord, en l’occurrence, ce n’est pas rien.
Pourtant, les méthodes utilisées par les mouvements contestataires (en Suisse en tous cas) ne ressemblent encore pas, loin de là, à des méthodes pouvant être qualifiées de « terroristes ».
D’abord, la plupart des actions de ces mouvements (grève du climat, grève des femmes* ou Extinction Rebellion, notamment) restent pour l’instant parfaitement légales : marches, pétitions, lettres ouvertes, conférences de presse, etc.
Et les quelques actions illégales ont difficilement un impact plus que symbolique.
Les affichages sauvages, les quelques blocages de routes, ponts ou entrées de centres commerciaux n’ont eu jusque-là que peu de conséquences. On ne peut même pas parler de dommages matériels, étant donné qu’aucune voiture n’a été brûlée et aucune vitrine brisée.
Aujourd’hui j’aimerais donc poser cette question simple, basique.
Qui sont les terroristes ?
Il n’est pas question ici de rhétorique. La violence « révolutionnaire » est toujours beaucoup moins acceptée que les violences institutionnelles et répressives, car elle semble moins légitime. Mais l’est-elle vraiment ? Si nous essayions d’établir qui, dans les faits, cause le plus de souffrance et d’injustice ?
Sont-ce les féministes qui féminisent les noms des rues de Fribourg à l’aide d’autocollants, ou sont-ce les patron·nes qui continuent de payer leurs employées 20% de moins que leurs employés pour un travail équivalent ? Sont-ce les écolos qui bloquent une entrée de centre commercial pendant deux petites heures lors du Black Friday, ou sont-ce les enseignes commerciales du monde entier qui exploitent des populations précaires, dont des enfants, dans des pays du « tiers-monde » afin de pouvoir proposer des produits de qualité discutable pour un prix ridicule ? Sont-ce les antiracistes qui taguent « Refugees Welcome » sur les murs de la ville ou sont-ce nos autorités qui parquent les requérant·es d’asile dans des centres pour les y laisser moisir pendant des mois, quand elles ne les renvoient pas directement dans leur pays d’origine dévastés par la guerre, la dictature ou les deux à la fois ? Sont-ce les militant·es qui s’inquiètent pour leur avenir, où sont-ce les services de renseignements qui classent ces gens au même rang que les néonazis et les djihadistes de DAECH ? 4
Comment se fait-il que la police, censée protéger les plus vulnérables, passe plus de temps à fliquer les chômeur·euses que les patrons des banques et des assurances ? Comment se fait-il que l’égalité des genres soit inscrite dans la Constitution depuis 1981 mais qu’elle ne soit toujours pas appliquée ? Comment se fait-il que les pays membres de la Conférence des parties (COP) se réunissent chaque année depuis 1979 pour prendre la décision mûrement réfléchie de ne faire absolument rien pour lutter contre les dérèglements climatiques et écologiques ? Nous savons pourtant depuis le début de ces rencontres que c’est l’activité humaine qui est à l’origine de ces dérèglements. Chaque année où les décisions sont repoussées se compte en vies humaines sacrifiées.
Je ne sais pas quel est votre définition du terrorisme mais « sacrifier consciemment et volontairement des vies humaines pour sauvegarder des intérêts personnels » me semble être assez adéquat.
Cela fait des mouvements contestataires qui luttent contre ces injustices non pas d’autres terroristes d’un autre acabit mais bien des ANTI-terroristes, littéralement. Et leur rôle est de combattre le terrorisme organisé, institutionnel, systémique. Le terrorisme qui inflige inégalités, exploitation, discriminations et oppressions à 99% de la population, en toute légalité et en toute décontraction.
Alors messieurs-dames les terroristes, vous qui nous dirigez, nous manipulez, jouez avec nos corps et nos vies pour augmenter votre profit, spéculez sur notre santé et notre survie en détruisant la planète, si vous voulez la guerre, vous l’aurez. Mais vous ne pourrez vous en prendre qu’à vous-mêmes car vous vous êtes mis·es vous-mêmes dans cette situation. Il n’est pas trop tard pour renoncer, pour faire preuve de raison, mais plus le temps passera et plus la contestation sera vive, déterminée et oui, peut-être, violente.