Parler des Kurdes dans leur grande diversité c’est parler de son parti politique contemporain, le HDP bouleversé, traumatisé et traversé par de multiples thématiques qui, bien que difficiles, doivent être analysées.
Huit: c’est le nombre d’années que fête l’existence du HDP (Haklarin Democratik Parti – Parti Démocratique des peuples, en Turquie) regroupant les minorités ethniques, religieuses, sexuelles, groupes féministes et anticapitalistes.
Ces huit années d’engagements intenses ont connu l’emprisonnement de ses membres (arrestations des co-président·es ; Sehelattin Demirtas et Figen Yuksegdag en 2016 et d’un large nombre de député·es du HDP à l’assemblée nationale Turque), l’assassinat de ses forces vives et l’emprisonnement de milliers de conseillers et conseillères municipaux·ales et militant·es locaux·ales. Longue est la route de la reconnaissance des Droits Humains en Turquie et trop courte sera l’introduction donnée au combat politique que mène le plus grand peuple du monde sans état : Les Kurdes.
L’ADN de la Turquie c’est son chef militaire historique ; Mustafa Kemal Atatürk « père » fondateur et moderne de la Turquie de 1933 qui a façonné cet Etat-Nation Turque tout droit inspiré des pays Européens : une langue, un drapeau, un pays sous la devise national-républicaine « Ne mutlu Türküm diyene! » ; « Heureux est celui qui se dit Turc ».
Suffisamment de chercheurs et chercheuses, d’anthropologues et de sociologues ont théorisé l’existence du « grand Kurdistan » au sein du quatuor étatique Syrie-Iran-Irak-Turquie. Cet article introductif soulignera les difficultés de faire vivre les amitiés Kurdo-Suisse (et plus largement quiconque-Kurdistan) à l’heure de la Covid-19 – voir références en fin d’article.
Partout où les Kurdes vivent, un Kurdistan existera. C’est au niveau local, et notamment fribourgeois que vous retrouvez (in)discrètement la vie kurde. Les kurdes parcourent l’Europe pour faire entendre depuis longtemps leur combat, la reconnaissance des langues et des cultures. En Suisse, la population Kurde vient de Syrie et également de Turquie. 60 000 personnes environ selon les sources de la Confédération Helvétique. Néanmoins de nombreux Kurdes ne se réclament pas comme tel étant donné la politique d’assimilation de la République de Turquie.
Les partis de Gauche traditionnelle en Turquie n’ont pas offert aux peuples de Turquie la possibilité de trouver une alternative crédible à l’Etat-Nation Turque jusqu’à la création du PKK (Partiya Karkeren Kurdistan, le Parti des Travailleurs du Kurdistan) en 1973 dans un petit village à Lice en Turquie. Un groupe d’étudiant·es révolutionnaires inspiré du Marxisme-Léninisme originaire du Kurdistan de Turquie a décidé de fonder une organisation politique qui revendique l’existence d’un territoire Kurde au sein de la Turquie. Étiqueté de « groupe terroriste » par la Turquie, iels n’ont cessé depuis de mener une guérilla armée par autodéfense idéologique pour contrer une politique militaire féroce du gouvernement Turque. Abdullah Ocalan, philosophe et théoricien de la pensée du Confédéralisme Démocratique des peuples*, est devenu l’homme à abattre. Capturé bilatéralement par Israël et la Turquie, Abdullah Ocalan a mené depuis sa prison au cours de ces vingt dernières années le processus de Paix entre le PKK et le gouvernement de Turquie.
De 2012 à 2015 la Turquie connait une courte période de paix, mais les hostilités reprennent à l’Est par de brutales opérations militaires visant à détruire méthodiquement les bastions kurdes et notamment la ville de Cizre où ses représentant·es et villageois·es ont été brûlé·es vif·ves dans les caves des maisons. Les appels à l’aide ont été vains malgré la mobilisation internationale. Sans grande surprise, le conseil de l’Europe a fermé les yeux.
Sans Covid-19 et durant la période d’hiver, les associations kurdes d’Europe seraient en train d’informer sur la tenue du nouvel an Kurde en Turquie le Newroz (la fête du renouvellement), qui aurait du avoir lieu le 21 mars 2021. A cette occasion les partis de la Gauche sont habituellement invités à s’y rendre en délégation ( PCF – PTB – Die Linke – Podemos – PCE – POP, etc..) dans le plus de villes possibles, car l’Etat Turc lance continuellement (avant sur des périodes ciblés) des arrestations… D’où la nécessité d’envoyer des internationalistes comme observateur·rices. Ce nouvel-an kurde permet normalement une pause festive, de danse et de discours en ce grand moment de fraternité. Avec la crise sanitaire mondiale, 2021 ne sera probablement pas l’occasion de se réunir. Rare sont les communiqués de presse sur le débordement militaire et diplomatiques de la Turquie en général.
Désintérêts des partis politiques traditionnels envers le HDP ? Manque de relation bilatérale entre eux ? Peut-être, car cet anniversaire a rassemblé uniquement les partis de Gauche de Turquie avec une absence flagrante des amitiés Européennes. Ce qui annonce des lendemains de reconstructions longs et complexes où de nouvelles initiatives devront émerger de gré ou de force par le biais d’initiatives isolés, dans un premier temps.
Pour aller plus loin, je vous invite à vous intéresser à ces livres et articles suivants :
– Le site internet : Kurdistan au féminin.
– Le livre du journaliste Guillaume Perrier Dans la tête de Recep Tayyip Erdogan (Solin/Actes Sud. 2018).
– Le théoricien Abdullah Ocalan et sa notion de « le Confédéralisme Démocratique des peuples ».
– Le livre des chercheurs et universitaires Jordi Tegel Gorgas et Boris James Les kurdes en 100 questions. Un peuple sans Etat (Tallandier. 2018).
– Le blog Ne var Ne yok.