loader image

Le rude combat pour la dignité

Lire

Dire que le coronavirus a encore précarisé davantage les populations déjà vulnérabilisées et a fait basculer dans la pauvreté toustes celleux qui arrivaient tout juste à s’en sortir est devenu un lieu commun. Mais certaines associations et collectifs1 sont bien placées pour en parler et, hier matin 10 mars, celles-ci tiraient la sonnette d’alarme.


La précarité à Fribourg, ça existe.

Le canton de Fribourg et sa population ont la chance de bénéficier d’un tissu associatif développé, solide et efficace. Mais lorsque l’Etat laisse à des organisations de la société civile la charge d’assumer ses responsabilités, il y a quand-même un gros problème. Dans une conférence de presse, 58 collectifs fribourgeois pour l’aide aux personnes défavorisées ont fait part au gouvernements cantonaux et communaux, témoignages à l’appui, de leur constat sans appel, le dispositif social ne fonctionne pas, ou en tous cas pas assez, en cette période de crise majeure. Beaucoup d’associations se sont mobilisées pour venir en aide aux plus démuni·es, accueil d’urgence, distribution de nourriture et de biens de première nécessité, etc. Mais ces solutions étaient censées être temporaires, le temps que l’Etat fasse quelque chose son travail. Aujourd’hui, elles sont à bout. La demande ne recule pas, la deuxième vague ayant achevé les personnes qui avaient tenu pendant la première grâce à leurs économies et qui n’ont maintenant plus rien non plus.

Du côté des aides sociales, également, la situation est très insatisfaisante. Il faut dire que des décennies de politique néolibérale et de conservatisme social nous ont laissé des institutions moribondes. Très peu de personnes parmi les plus vulnérables ont droit au chômage, par exemple les étudiant·es qui terminent leur formation et ne trouvent pas tout de suite un travail peuvent aller se gratter. Et l’aide sociale à proprement parler2, en plus d’être encore remboursable à Fribourg3 (ce qui signifie qu’elles ne sont ni plus ni moins que des dettes), sont dissuasives sur beaucoup d’autre points (renouvellement du permis de séjour impossible, démarches administratives compliquées et chronophages, inégalités de traitement, sans parler de la stigmatisation des « assisté·es », pour laquelle on peut encore remercier la droite), il suffit d’écouter le témoignage de Mme Karine D. pour s’en convaincre.

Un manifeste pour la dignité

Les organisations ont donc décidé de s’unir dans la rédaction d’un manifeste pour la dignité4. Voici leurs revendications en bref :

  1. Garantir le droit à l’alimentation. La faim et l’insécurité alimentaire ne sont pas acceptables dans le canton. Le collectif demande des mesures concrètes pour garantir le droit à l’alimentation.
  2. Suppression de l’exigence du remboursement de l’aide sociale et uniformisation des traitements. Le collectif demande la suppression du remboursement de l’aide sociale dans le cadre de la révision de la LASoc et l’égalité de traitement et l’harmonisation des prises en charge et des prestations.
  3. Introduction des prestations complémentaires (PC) pour les familles. Le collectif demande l’introduction rapide des PC familles pour soulager les familles contraintes de vivre avec des revenus trop bas.
  4. Inclusion numérique de toustes. Le collectif demande l’encouragement de l‘inclusion numérique avec la mise en place d’actions concrètes.
  5. Participation des personnes concernées aux décisions et aux mesures de prévention et de lutte contre la pauvreté. Le collectif demande l’implication des bénéficiaires dans les décisions qui les concernent comme gage de qualité et de pertinence pour une action sociale efficace.
  6. Accès à un logement décent pour toustes. Le collectif demande un appui, par les instances cantonales, des coopératives et fondations d’habitation, notamment à travers la nouvelle association Frimoup.
  7. Renforcer l’intégration sociale des personnes isolées. Le collectif demande que les personnes isolées, en situation de précarité sociale, puissent bénéficier de structures leur offrant un ancrage social et favorisant leur intégration. Le collectif demande aux instances cantonales que ces structures et projets sociaux soient soutenus de manière pérenne.

Vous trouverez ici le détail des 7 revendications, ainsi que des propositions concrètes.

Le manifeste s’accompagne également d’une pétition pour que chacun·e puisse apporter son soutien aux revendications.

Une vie digne, enfin, débarrassée du capitalisme

Si nous avons tendance à penser, au Colvert du Peuple, que ce n’est pas à coup de pétitions et de révision de lois obsolètes ou d’institutions en déclin que l’on change le monde, nous ne pouvons pas ne pas apporter notre soutien à cette initiative inédite, d’une ampleur sans précédent dans notre canton. La cinquième revendication nous paraît tout particulièrement intéressante et pertinente, redonnons enfin une voix à celleux qui l’ont perdue dans les rouages de l’administration ! Il n’existe d’après nous pas de vie digne dans le capitalisme, mais le besoin de repenser nos modèles de société se fait de plus en plus urgent et de plus en plus visible, et grâce à un collectif de 58 associations fribourgeoises, le mouvement dans notre canton est bel et bien lancé.


  1. Dont vous trouverez la liste complète ici
  2. Celle que l’on reçoit du Bureau de l’aide sociale
  3. Le dernier canton romand avec le Valais à être dans cette situation, et encore, la constituante valaisanne, elle au moins, réfléchit à abandonner ce principe.
  4. Vous pouvez visiter leur site ici

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.