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Fleurs du mâle?

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À force de multiplier les dérapages coupables, la Liberté fonce vers le précipice. Si notre route militante devient toujours plus noire, noire de rage et de détermination, nos corps et nos cœurs sont plus que jamais violets.


Après la publication d’un courrier de lecteur dégoûtant qui vient se greffer à une culture du viol normalisant les violences faites aux femmes*, la riposte féministe n’a pas tardé. Devant les locaux du quotidien fribourgeois, ce sont plus de trente militantes qui se sont rassemblées autour du même feu de consternation intérieure et pourtant tellement réel, criant à l’unisson leur sentiment de ras le viol face à ces assauts répétés d’une société, d’un journal et d’un rédacteur en chef rongés par le patriarcat. En diffusant sur les réseaux sociaux un message qui n’a servi qu’à prouver sa faible connaissance du sujet et une certaine insensibilité au mouvement féministe, Serge Gumy a rajouté de l’huile sur une flamme violette pas prête de s’éteindre.
Après quelques discours et quelques chants adressés (notamment) aux fenêtres fermées de la direction de la Liberté, les militantes, qui s’étaient ornées de fleurs en référence à la lettre publiée, ont ensuite colorié d’espoirs et de rage le trottoir bétonné menant au bureau du quotidien fribourgeois.
Nous publions ici le communiqué de presse du rassemblement de collectifs ayant participé à cette action belle et nécessaire.

Le monde d’après sera féministe ou ne sera pas.


Communiqué de presse

La Liberté banalise la culture du viol

Lundi 12 avril, le quotidien La Liberté publie la lettre de lecteur de Monsieur C. intitulée « Aux jeunes filles en fleurs ». Un éloge à la culture du viol d’un homme qui se réjouit du retour du printemps et de pouvoir reluquer derrière ses lunettes embuées de désir pervers des très jeunes « belles plantes » et « nymphettes » dont les « confettis de tissus couvrent à peine leur centres névralgiques, suspendus par quelques ficelles tendues comme des arcs sur leurs guitares ».

Des propos qui ont suscité un large malaise sur les réseaux sociaux, où tant cette lettre de lecteur que la ligne politique de La Liberté, qui a choisi de la publier, ont été critiquées.

Interpellée, La Liberté ne voit pas le problème. Dans une réaction, le journal, par la voix de son rédacteur en chef Serge Gumy, défend la publication au nom de la « liberté d’expression ». Il estime que du moment que la « dignité des personnes » n’est pas atteinte, que le lecteur ne fait que « porter un regard sexualisé sur une jeune fille » et qu’il n’y a « aucune évocation de quelque geste que ce soit », la lettre est « jugée publiable ». Selon La Liberté, nous ne sommes pas face à une situation banalisant la pédocriminalité, ni la culture du viol.

La culture du viol se définit par l’environnement social qui permet de normaliser et de justifier les violences sexuelles, animées par les inégalités entre les genres. En choisissant de publier de tels propos, La Liberté rend « normal » le fait qu’un homme fantasme sur de très jeunes femmes*, voire des mineures, et les réduise à des objets sexuels à sa disposition. Ce faisant elle légitime les comportements discriminatoires qu’une majorité de femmes* subissent tous les jours allant de la peur de se déplacer dans l’espace public aux agressions sexistes et sexuelles.

Monsieur Gumy, en publiant cette lettre, porte atteinte à la dignité de l’ensemble des femmes*. Refuser de reconnaître la responsabilité du journal dans la violence de ces propos revient à être complice des violences sexistes et sexuelles vécues au quotidien par les femmes* et de trop nombreuxses personnes mineures.

Ces pratiques font partie d’un système, elles sont structurelles et systémiques. Nous vivons dans une société où les violences et les discriminations sexistes, racistes, validistes, homophobes et transphobes sont quotidiennes. Après la grève féministe du 14 juin 2019, après #balancetonprof à Fribourg, après les vagues de dénonciation de sexisme à l’intérieur des médias suisses, comment est-il encore possible de trouver légitime de publier de tels propos ? Si La Liberté et son rédacteur en chef ne voient pas le problème avec la publication de la lettre de lecteur, c’est peut-être qu’ils font partie du problème.

Nos collectifs de la Grève féministe fribourgeoise, Extinction Rebellion Fribourg, LAGO et Mille Sept Sans exigent de La Liberté de ne plus faire usage de discours discriminants envers groupe socialement minorisé. Nous lui demandons de reconnaître publiquement l’erreur commise en publiant la lettre de lecteur de Monsieur C., de prendre des mesures à l’interne afin que la banalisation de la culture du viol, pratique inacceptable cesse et de consacrer un article approfondi sur cette problématique. Parce que la honte doit changer de camp.

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