Nous y sommes. L’Occident trempe le bout de ses orteils dans les premières écumes rouges de l’océan de souffrance qu’il a généré en étant responsable de la première extermination délibérée de la Vie sur Terre et en déréglant l’équilibre climatique de notre planète. Mais le grand bain arrive plus rapidement et violemment qu’escompté.
« Si les Hommes se tirent dessus, c’est qu’y’a des vaccins dans les balles
Orelsan
Et, si les bâtiments explosent, c’est pour fabriquer des étoiles
Et si, un jour, ils ont disparu, c’est qu’ils s’amusaient tellement bien
Qu’ils sont partis loin faire une ronde, tous en treillis, main dans la main »
La situation nous impose. Elle nous impose d’écrire que les conséquences absolument dramatiques du dérèglement climatique et de l’effondrement du Vivant brûlent le tissu humain depuis de nombreuses années, mais à l’ombre de toute considération médiatique, politique et scientifique. Elle nous impose de répéter que les canicules, les catastrophes naturelles ou encore les famines qui se multiplient en Afrique et en Asie portent pour beaucoup notre empreinte, l’empreinte d’un mode de vie insoutenable, d’un système économique dépendant au profit, et tout cela dans un silence assourdissant. Mais est-ce surprenant, lorsqu’on glisse un regard dans les pages ensanglantées de notre Histoire ?
Depuis plusieurs semaines, la crise écologique fait effraction dans notre quotidien. Des événements extrêmes, dopés par le dérèglement climatique, éclatent partout sur notre planète. Ainsi, après l’épidémie de feux qui a brûlé l’Australie en janvier 2020, l’Occident subit une nouvelle fois, de plein fouet, les conséquences de son inconséquence : avec un mercure avoisinant les 50 degrés, certaines régions du Canada se sont retrouvées, pendant plusieurs jours, au cœur du tournage du dernier Mad Max, sans coupez ! pour mettre un terme à ce cauchemar. Finalement, plus de cent personnes ont perdu la vie à cause de ces chaleurs extrêmes. Et ce n’est pas tout : températures records en Antarctique, en Sibérie, en Inde et au nord de l’Europe, pluies diluviennes à Moscou, famine climatique à Madagascar, glissements de terrain meurtriers au Japon, feux de forêts à Chypre, en Sibérie et en Californie, inondations meurtrières en Belgique et en Allemagne, océan en feu au Mexique qui donne lieu à une scène aux allures apocalyptiques, rame de métro engloutie en Chine, « centres de refroidissement » aux Etats-Unis : la liste s’étend sans fin. Cet été, l’exceptionnel se reproduit quotidiennement. Et même la Suisse ne fait plus exception.
Nos sociétés et leurs infrastructures ne sont pas prêtes à encaisser les conséquences de cette crise écologique. Et il va sans dire que notre goût prononcé pour le béton ne vient rien arranger à tout ça. Mais paradoxalement elles ne sont pas non plus prêtes à prendre de réelles mesures pour entraver la trajectoire. Route parfaitement goudronnée, rafistolée jour après jour, vers un mur. Ou un précipice. Peu importe, au fond, de la forme que notre crash prendra, il sera spectaculaire.
Et ne nous voilons pas la face : nous ne sommes qu’à l’aube de bouleversements mondiaux dramatiques. La situation ne cesse de se dégrader. Le capitalisme, dont l’essence même est la quête irraisonnée vers toujours plus de profit, est devenu inarrêtable. Il détruit tout, à commencer par nous-mêmes. Désormais, les vagues assassines de la crise écologique déferlent sous nos yeux. Évidemment, et il convient de le marteler tant les médias mainstreams ne le font pas, ces catastrophes qui se multiplient en Occident ne sont rien par rapport à celles vécues par d’autres régions mondiales, comme le Proche-Orient, le nord de l’Afrique ou encore Madagascar. Comme le titrait récemment Reporterre :
« Le capitalisme, désormais, c’est lui ou nous. »
Reporterre
Le GIEC, aux prévisions souvent sous-estimées, écrit : « La vie sur Terre peut se remettre d’un changement climatique majeur en évoluant vers de nouvelles espèces et en créant de nouveaux écosystèmes. L’humanité ne le peut pas. »1. Le futur, sous les coups de pinceau du GIEC, se dessine sous d’effrayantes courbes : famines généralisées, déplacements massifs de populations, multiplication des catastrophes naturelles, émergence de territoires inhabitables, terres inondées, … Nous le savons. Et nous ne faisons rien.
Nos enfants, nos petits-enfants risquent, par notre inaction coupable, de ne pas pouvoir vivre, mais juste de devoir survivre. Il est temps de se réveiller, de se lever. Il est temps de s’organiser. Il est temps de crier, de bloquer, de saboter.
Au moment d’écrire ces lignes, mon corps est traversé par de brûlantes interrogations. A quoi bon un nouvel article sur ce sujet, en usant d’un ton toujours plus alarmiste ? A quoi bon gaspiller de l’énergie et du temps pour brasser le même air (chaud qui plus est) ? Mais l’ampleur, la répétition des mauvaises nouvelles, le monde de Demain qui force le verrou de notre calme quotidien, la boule qui s’installe au fond du ventre, tout cela nous impose de secouer ces corps vides, inertes, depuis longtemps asservis au confort. Et puisqu’il est difficile de le faire réellement, de nos propres mains, essayons les mots. Peut-être leur tête s’enfoncera encore un peu plus profondément dans leur palais de sable. Peu importe, il y a des cris qui doivent sortir de nos corps traversés par ce goût indescriptible que provoque le mélange peur-rage-dégoût. Et il y a ces interventions politiques et médiatiques, qu’on intercepte par hasard et qui nous laissent avec ce frisson dans l’échine. Ces bavures, ces incohérences, ces paroles qui font froid dans le dos. C’est ça qu’on veut relever ici. Médias et politiques, vos réactions laissent sans voix.
Les médias sont tellement à côté de la plaque. En effet, on ne peut que rester aphone devant les images d’enfants sautant dans une piscine ou de buveurs de bière affalés sur une chaise longue les pieds dans l’eau utilisées pour illustrer des canicules mortelles2. Grrif trouve le moyen de demander à un festivalier à quoi vont ressembler les festivals en l’an 3000. Le 19h30 déniche un climatologue qui parvient à faire, sans échauffement, le grand écart : d’abord en étalant ses craintes, face au dérèglement climatique et en constatant l’inaction criminelle des gouvernements politiques, puis en n’apportant pas son soutien à tous ces jeunes (et moins jeunes) qui usent de la rue pour faire entendre leur voix3. Forum se demande si Extinction Rebellion n’est pas trop radical et ne desservirait pas la cause écologiste4. Au sujet des inondations qui ont frappé l’Allemagne et la Belgique, tant de fois les raisons de ces déluges mortels sont occultées ou mentionnées qu’à demi-mot. Là encore, la liste est longue. Mais comment font-ils pour être si lamentables ?
Plus effrayant encore, la politique reste mutique et apathique. N’est-ce pourtant pas là sa principale fonction que d’assurer un avenir pérenne pour les futures générations ? Ceux qui nous gouvernent préfèrent ainsi s’émoustiller sur les moyens de serrer toujours plus le bâillon du militantisme plutôt que de s’intéresser à l’horizon en feu qu’il pointe du doigt. Notons toutefois que la situation climatique et écologique qui se détériore fait tomber quelques masques et trace sur la scène politique de demain un bloc soudé, uni, presque homogène, contenant toutefois certaines nuances, un bloc bourgeois, conservateur, dont le but est avant tout de préserver les privilèges d’une classe, de protéger un système politique favorable à leurs intérêts. Ce bloc risque de s’étendre de l’UDC jusqu’à une bonne partie la gauche traditionnelle suisse, convaincue depuis longtemps par le libéralisme. Évidemment, chaque parti conservera ses petites particularités, ses sensibilités plus aigües sur certains sujets, mais tous finiront par tirer à la même corde lorsque le monde d’Après se pressera au portillon. Tous défendront le champ politique d’une seule et même voix lorsque celui-ci sera menacé par les vagues progressistes qui prôneront une forme de rupture. Ce bloc bourgeois s’esquisse déjà lorsqu’un gouvernement de « gauche » envoie 600 policiers pour faire déguerpir des Zadistes défendant une colline à la flore rare et précieuse face à une multinationale criminelle, lorsque certains membres du Parti Socialiste affichent publiquement leur mépris pour les mouvements écologistes ou lorsqu’ils prétendent que le principal danger pour notre société est … le populisme5, lorsque de saugrenues collaborations (notamment sur la loi CO2) aux déclarations parfois lunaires émergent, lorsque le langage, la rhétorique, la peur du désordre sont partagés. Peu importe leurs couleurs, ces personnes traînent l’écologie dans la boue, ne commettons pas l’erreur de leur apporter notre soutien.
En outre, une fracture générationnelle se creuse entre une jeunesse qui, pour une partie, vit la destruction du vivant et le dérèglement climatique comme une crise existentielle, et les autres générations pour lesquelles ce n’est qu’une crise politique, tout au plus, et que sa résolution viendra du gouvernement. Oui mais voilà : pour éteindre un incendie, on n’appelle pas des pyromanes à l’aide.
Concernant la crise écologique, martelons qu’il ne s’agit pas simplement de sauver le climat ou d’une simple hausse de quelques degrés qui aurait comme simple conséquence de devoir retirer une couche pendant l’hiver, mais d’une crise globale se déroulant sur au moins neuf plans, neuf frontières à ne pas dépasser, au risque de verser dans une forme d’irréversibilité ingérable et imprévisible. Le dérèglement climatique et l’effondrement du Vivant, donc, mais également l’acidification des océans, la déplétion de l’ozone stratosphérique, la perturbation du cycle du phosphore et de l’azote, la charge en aérosols atmosphériques, la consommation d’eau douce, le changement d’affectation des terres et enfin la pollution chimique6. Selon des études publiées dans Nature en 2015, quatre de ces frontières invisibles auraient déjà été franchies7.
Il ne s’agit pas d’une crise idéologique, esthétique, mais d’une crise totale qui impacte directement tant d’existences humaines. Et cela depuis maintenant presque vingt ans : rappelons seulement les évènements extrêmes de 2003 qui ont causé, en Europe, plus de 70’000 décès8. Il s’agit d’une crise d’une telle ampleur qu’elle questionne sérieusement les conditions d’habitabilité de notre planète par l’espèce humaine, rien de moins, sans parler de la sixième extinction de masse que nous avons consciemment perpétrée. Voilà, en quelques mots, la situation politique actuelle.
Tout indique que la seule issue de secours enviable soit la sortie du capitalisme, rien de plus, rien de moins. Ni un recyclage plus performant des déchets, ni les petits gestes, ni la « transition écologique », ni les « énergies propres », ni la « croissance verte », qui sont autant de mythes propagés par la classe bourgeoise pour extraire de notre planète ses dernières gouttes, ne seront à la hauteur de l’enjeu. La sortie du capitalisme ne se fera pas dans les urnes, dans cet espace de dissimulation qui profite toujours aux mêmes, mais dans la rue, dans les différentes Zad qui fleurissent ici et là, dans les squats qui émergent, au cœur de ces mouvements féministes, antiracistes qui s’organisent, qui luttent, qui se battent. Mais elle se fera aussi, et surtout, dans nos cœurs qui, enfin libérés de ces draps de cendre, danseront à nouveau dans nos poitrines anesthésiées.
Aujourd’hui, les climatosceptiques ne sont plus (seulement) ceux qui nient la cause anthropique sur le dérèglement climatique, mais ceux qui en sont conscients, qui disposent d’une certaine influence pour faire bouger les choses, mais qui ne font rien. Les climatosceptiques, c’est aussi un peu toi, c’est aussi un peu moi, c’est un peu nous tous. Nous qui sommes perfusionné.es à ces doses de divertissement, qui prennent la forme d’évènements sportifs, d’émissions de télévisions, de scrolling infini sur les réseaux sociaux, d’enchaînement sans fin de vidéos sur Youtube ou autres plateformes. Nous qui sommes aveuglé.es par cette classe dominante, alors que le Dehors brûle, alors que les conditions d’habitabilité de notre planète ne semblent plus assurées pour notre génération et celles qui viendront.
« La vie, sur Terre, est en train de mourir. L’ampleur du désastre est à la démesure de notre responsabilité. L’ignorer serait aussi insensé que suicidaire. Plus qu’une transition, je pense qu’il faut une révolution. «
Aurélien Barrau, astrophysicien
Pour autant, la classe politique et médiatique ne cesse de jouer, à la flûte, cette mélodie insoutenable : tout va bien. Les rapports scientifiques effrayants s’empilent ? Mais tout va bien. Pour quelle raison s’inquiéter ? Pour quelle raison croire que les pyromanes qui ont allumé le feu ne feront pas tout pour l’éteindre ? Pendant ce temps, ce n’est pas seulement notre maison qui brûle : ce sont nos cœurs, nos forêts et l’avenir des futures générations qui partent en fumée. Mais tout va bien. Comme le chante si bien Keny Arkana : ne t’inquiète pas, tout se dérègle, les eaux montent et l’air se réchauffe. Chaque jour des espèces disparaissent, mais bon, demain sort le dernier Smartphone, alors t’inquiète pas. Ne t’inquiète pas, non ne t’inquiète pas. Ne t’inquiète pas …
Alors, à toutes celles et ceux qui voient ce que nous voyons, qui ressentent ce que nous ressentons, qui craignent ce que nous craignons, qui désirent ce que nous désirons, le temps est venu de s’extraire de son technococon, de nous écrire, de se rencontrer, de s’organiser, de faire s’unir nos corps comme des digues face aux vagues de ce monde, de brandir nos cœurs et de noircir le drapeau blanc.
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- Comment tout peut s’effondrer, p. 77
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