« Pénurie de bleu ! » , titre toute une série de torchons en ligne1, faute d’avoir autre chose à mettre sous la dent de leur public affamé de spectacle. C’est vrai que c’est cocasse. La disparition des insectes, la fonte de la banquise, les méga-feux qui crament les kangourous, ça nous interpelle plus trop. Mais une couleur en voie d’extinction ?
Par manque d’approvisionnement en certaines matières premières, la peinture bleue pourrait devenir rare ces prochains temps. Mais cette couleur ne se serait-elle pas, depuis longtemps déjà, diluée dans notre société ?
Le bleu n’a pas de dimension, il est hors dimension. Toutes les couleurs amènent des associations d’idées concrètes, tandis que le bleu rappelle tout au plus la mer et le ciel, ce qu’il y a après tout de plus abstrait dans la nature tangible et visible.
Yves Klein
La mer et le ciel. Comment pouvait-on leur laisser ce bleu sauvage ? Il fallait bien qu’on y ajoute notre coup de pinceau. Une pointe de marée noire et un lavis d’algue verte2 dans le grand bleu, voilà qui est mieux. Quant au ciel, lacéré par les avions et moucheté par 42’000 satellites, il ressemble bientôt davantage au No. 5 de Pollock qu’au monochrome de Klein.
Dans les armoires aussi, la mode change. Le col blanc est beaucoup plus chic que le bleu de travail, sauf quand ce même bleu est assorti d’une arme à la ceinture. Chez les femmes, le bleu se porte sous forme d’hématome. Cadeau du mari, frustré de devoir ingurgiter une pilule pour baiser, bleue elle aussi.
Dans les rues, pareil, la couleur primaire se fait rare. L’azur du ciel se voit étouffé par le bleu-ciel des campagnes PLR et des sacs poubelle.
Avec un peu de chance, cette pénurie pourrait peut-être nous faire réfléchir sur nos réflexes binaires, en nous forçant à oublier les murs bleu roi pour la chambre du garçon…
Mais bref. Ne soyons pas bête. Même si la peinture venait à manquer, nos gouvernements racleront les fonds de pots pour élargir toujours un peu plus la fine ligne bleue3, pour le coup plutôt saignante, séparant le bas-peuple de la bourgeoisie. Cette même bourgeoisie qu’il faudrait peut-être égorger, si nous voulions à nouveau voir le bleu couler à flots.
- Konbini, Slate, BFM, MSN, etc…
- c’est quoi ça?
- Traduction littérale de Thin Blue Line, métaphore de la police
Nom de bleu! Quel beau texte .
Vous avez oublié de parler de notre quand elle est consommée correctement (bleue pour plus de saveurs).
Sacrebleu !
Une petite bleue du Val-de-Travers avec une Gauloise aux yeux bleus, ça reste bon !
De bleu de bleu !