Contre la présence d’Éric Zemmour à Genève, une manifestation est prévue ce mercredi 24 novembre à 18h. Une soixantaine d’organisations appellent à lutter contre l’idéologie fasciste dont Zemmour est une des voix les plus rances. Genève reste, et restera un bastion de l’antifascisme.
Le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde.
Berthold Brecht
De l’autre côté du Léman, le bruit des bottes s’intensifie. Macron, qui s’était autoérigé comme le barrage utile et nécessaire face à l’extrême droite, a finalement ouvert les vannes, déversant sur l’Hexagone sa salive haineuse, raciste, sexiste et islamophobe.
Le champ politique français est aimanté par un certain goût de l’ordre, de la sécurité, d’un monde passé fantasmé. Dans l’épais brouillard qui voile désormais le ciel français, seulement certains bruits nous parviennent. Le fracas d’une matraque sur la nuque d’une manifestante. Le cri désespéré d’un migrant face à la police qui déchire sa tente. L’explosion d’une grenade dans la main d’un militant. Le bourdonnement discret d’un drone qui surveille les rues. Et puis, au loin, les roulements de tambour qui se rapprochent.
La situation politique de la France est effrayante. Chaque jour, les frontières de l’indécent, de l’indicible sont repoussées1. Dans ce jeu où se battent de multiples personnes pour être la première à allumer le feu du fascisme en France, les étincelles se multiplient. Éric Zemmour, candidat officieux à la présidentielle, est au premier rang. Sa présence à Genève, dans le cadre de sa tournée électorale, ne peut donc être tolérée.
Le « phénomène » Zemmour
Éric Zemmour est un édidiocrate connu jusque dans nos contrées fribourgeoises. Sa verve pseudo subversive, ses écrits caractérisés par un racisme, un sexisme, une islamophobie et un négationnisme constant et ses indignations consternantes en font l’un des idéologues d’extrême-droite le plus influent en France. La vision du monde qu’il propose, où les femmes ne sont pas taillées pour exercer du pouvoir, où le vivre-ensemble ne peut se faire avec les musulman.es, où le Maréchal Pétain est érigé comme héros de la patrie ayant sauvé les Juifs.ves, ne doit pas pouvoir s’exprimer en Suisse, au risque de banaliser et de légitimer de tels propos.
Zemmour, en plus d’être raciste, islamophobe, sexiste, viriliste ou encore négationniste, est tristement banal, complètement dénué d’intérêt. Ses discours, ses pensées, ses névroses sont celles de l’extrême-droite de tout temps2. L’avènement de cet écrivain raté, qui se rêvait comme le futur Flaubert et qui se voit obligé de racler les toilettes du fascisme pour exister, dit bien plus sur la situation politique et médiatique de la France que sur lui-même. Il est le fruit d’un système médiatique complètement hystérique, dopé à la course à l’audience et au buzz et parasité par quelques milliardaires qui détiennent 90% des médias en France.
Cela ne doit pas atténuer le fait que les diatribes de Zemmour, plusieurs fois condamnées par la justice, sont infectes. Récemment, il affirmait que tous les jeunes issus de l’immigration sont des voleurs, des assassins, des violeurs3. Un exemple parmi tant d’autres. Dans une période politique trouble, où la désorientation et la dépolitisation règnent, où des affects négatifs comme la colère, la rage, le désespoir ou l’incompréhension se multiplient, ce genre de discours fascisants est efficace. Preuve en sont les récents sondages politiques en France où l’extrême-droite pèse désormais environ 40%.
Faire obstruction à cette idéologie fasciste et reformer un front populaire et solidaire n’est pas qu’un droit, c’est également un devoir, en mémoires à tous.tes celleux qui sont tombé.es à cause du fascisme. C’est pour cette raison que ce mercredi 24 novembre, nous défilerons avec une soixantaine d’organisations dans les rues de Genève, et que nous vous appelons vivement à nous rejoindre.
La fable de la liberté d’expression
La maire de Genève, Frédérique Perler, a clairement indiqué que Zemmour n’était pas le bienvenu à Genève4. Cette déclaration publique a réveillé les chevaliers blancs de la liberté d’expression, défenseurs.ses de la venue de Zemmour. Avec ces Don Quichotte des temps modernes, qui sont généralement moins bavard.es lorsque la liberté d’expression est réellement menacée, le jeu du bingo est facile. La déclaration de Voltaire selon laquelle il se battrait jusqu’à la mort pour que son contradicteur ait la parole ? On l’a5. Le glissement de nos sociétés vers une nouvelle police de pensée ? Aussi6. Qu’il aurait mieux fallu ne rien dire, ne rien faire pour ne pas trop médiatiser la venue de Zemmour ? Bingo7 !
S’offusquer d’une violation de la liberté d’expression envers Éric Zemmour alors que l’écrasante majorité des grands médias lui déroulent le tapis brun depuis des mois est une farce qui ne fait qu’à peine sourire. De plus, nous parlons d’un homme plusieurs fois condamné par la justice, accusé par cinq femmes d’agressions sexuelles et de viol et aux discours haineux, racistes et négationnistes appelant à sortir de l’Etat de droit. Le principe même de la liberté d’expression est de définir un cadre en dehors duquel une parole n’est pas la bienvenue. Si ce n’est pas le cas de celle de Zemmour, alors laquelle ? Mais surtout, je veux dénoncer cette lubie bourgeoise hypocrite de vouloir, dans les discours, se battre pour que tout le monde puisse s’exprimer et dans les faits, maintenir le monopole de la classe dominante sur tous les leviers de pouvoir de la société, et notamment les médias, maintenir les rapports de classe, de genre et de race8 qui sont d’authentiques barrières à la liberté d’expression et prolonger l’exclusion d’une partie considérable de la population au jeu politique.
Zemmour, candidat du capital
La douce transigeance de la bourgeoisie envers Éric Zemmour marque le retour de l’histoire d’amour entre cette classe sociale et le fascisme. L’Italie et l’Allemagne n’ont pas été épargnées par ces coups de foudre. Car le candidat à la prochaine présidentielle française est un candidat du capital de plus, qui en cas d’élection appliquera les mêmes mesures néolibérales destructrices que Macron. Sa déclaration polémique récente, lorsqu’il affirmait qu’être propriétaire d’un 100m2, ce n’est pas être riche, en est une preuve de plus. Le déroulement de son projet (anti-)social lors du débat avec Mélenchon, la preuve finale.
Dans un article9 publié sur Renversé, Action Antifasciste Genève écrit : « on n’arrêtera pas la marche des Zemmour et des Le Pen sans défaire le monde qui les rend possible. Il est donc pour nous inconcevable de demander à l’Etat d’interdire la venue de Zemmour. Notre antifascisme ne se fait pas par décrets, il se fait dans la rue. ».
Soyons nombreux.ses ce mercredi à Genève 10, suffisamment bruyant.x.es pour que Zemmour nous entende. Cette manifestation est cruciale, alors que des étincelles fascistes (racisme policier, loi LMPT, répression judiciaire contre les militant.x.es, tags Génération Identitaire, …) émergent dans nos villes. Ensemble, nous sommes fort.x.es. Crions que le fascisme, qu’elle que soit la forme qu’il prendra dans le futur, ne sera jamais le bienvenu dans nos rues. Qu’elles nous appartiennent.
Certes, le bruit des bottes s’intensifie. Mais pire que le bruit des bottes, le silence des pantoufles 11.
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- Citation de Max Frisch, écrivain suisse