Les premiers procès des zadistes de la Colline remontent à mi-janvier. Si ce texte a quelque peu tardé à paraître c’est que des événements en lien avec ce procès n’ont cessé de faire surface. Recours des procureurs, polémique autour de certaines prises de position, etc. Bien que tout ne soit pas repris ici, ces faits ont contribué à nourrir ce texte, nourrir mes réflexions. Peut-être nourrir ma difficulté à finaliser cet article aussi (bien que la flemme n’y soit pas pour rien).
Le 24 janvier, c’était la lecture des jugements. Du monde s’était amassé devant le tribunal d’arrondissement à Nyon. Des militantexs venuexs soutenir leur copainexs pour la plupart. Et des journalistes. Les trois jours de procès la semaine précédente aussi avaient permis l’émergence d’un joyeux rassemblement. Non que l’événement était joyeux mais l’atmosphère des retrouvailles au dehors, elle, l’était. Au dehors car dans le tribunal les places ont été restreintes. Drastiquement. Seules quelques personnes pouvaient assister aux débats. Crise sanitaire (elle a bon dos) oblige.
7 personnes avaient été jugéexs pour cette première volée. Et une semaine plus tard, les juges ont délivré 7 confirmations. Confirmation que l’acharnement du Ministère public ne tenait pas la route. Que les participantexs à cette occupation ne méritaient pas d’être enferméexs. Des jugements soulageants. Surtout pour les personnes qui risquaient plusieurs mois de prison ferme. Les juges ne se sont pas laissés convaincre par la politique ultra répressive d’Eric Cottier, procureur général, et sa troupe.
En toute logique, la violation de domicile, infraction qui justifiait selon eux les peines privatives de liberté, est tombée. Ben oui, Holcim avait retiré sa plainte. Dans d’autres cantons (Zurich notamment), des zadistes avaient déjà été acquittéexs sur ce motif. Et pas seulement partiellement. Mais dans le canton de Vaud, tout n’a pas sauté. Il fallait quand même se rattacher à quelque chose. Un tel acte impuni aurait été la porte ouverte à bla bla bla, on connaît la chanson. Donc, l’empêchement d’accomplir un acte officiel a été maintenu pour cetainexs. Celleux perchéexs dans un arbre ou retranchéexs sur le toit de la maison par exemple. Le juge a ainsi soumis les zadistes funambules à un traitement différent car « au mauvais endroit, au mauvais moment ». C’est drôle, pour la défense de la Colline le jour de l’évac’, ces mêmes rôles c’était plutôt « au bon endroit au bon moment ». En plus de ça, il reste les frais aussi : tout à la charge des militantexs.
Soulageants, ces jugements, mais pas seulement. On pourrait en effet croire à une victoire fracassante, sans ombre. En comparaison avec les ordonnances pénales disproportionnées rendues par le MP, ça semble en effet être le jour et la nuit. Et affirmer le contraire pourrait paraître défaitiste, exigeant. Et pourtant, devant le tribunal le jour de la lecture, les réactions étaient mitigées. Il n’y avait pas que de la joie sur les visages. Et ces sentiments perdurent aujourd’hui. Se renforcent même. Non sans raison.
D’abord il y a le fait que ce genre de procès détournent les corps et les esprits des véritables luttes. Que l’énergie à déployer pour s’y préparer ne peut être mise ailleurs. Qu’elle est colossale. Et la longueur des procédures, les peines requises, la charge financière, le vocabulaire juridiques incompréhensible, les montagnes de papier en courrier recommandé, les angoisses face à un sort incertain, etc. Tout veille à décourager. Et pendant ce temps on oublie Holcim et ses désastres. On oublie nos sols qui continuent à se couvrir et se re-couvrir de béton. On oublie que tout se meurt sous une couche grise, terne et froide. Et ce pour ne citer que la dénonciation la plus visible de la ZAD de la Colline. Mais pas le temps de pointer ça (ou d’autres choses) du doigt ni de mettre ces mêmes doigts dans les rouages du système qui permet ces désastres, y a procès.
Et autre raison pour garder un arrière-goût amer : malgré les acquittements (ou semi-acquittements), on sent vite que les enjeux restent incompris. Quelle absurdité de retrouver ce camp, notre camp, sur le banc des accuséexs. On comprend que l’arène judiciaire est cloisonnée et n’est pas faite pour remporter des victoires significatives pour nos causes. Dans cette affaire, c’est si flagrant. Les juges ont utilisé ce qu’ils avaient à disposition pour faire tomber les peines disproportionnées et déraisonnées requises par le MP en veillant toutefois à ne pas justifier l’action, à ne pas la légitimer. Parce que bon, quand même, c’était pas légal cette histoire. Et il faudrait pas créer un précédent.
« Tout est politique » on dit. Or, dans un tribunal il faudrait que rien ne le soit. Cottier l’a martelé. Comment faire pour traiter d’une telle affaire sans cet aspect-là ? Comment ne pas juger de manière arbitraire quand on retire ce volet essentiel, quand on refuse d’examiner la raison derrière l’infraction ? Les juges ont adhéré en partie à cette injonction à limiter la réflexion au seul domaine du droit. Résultat : l’état de nécessité c’est non et non. Les conditions posées par le droit suisse ne permettent pas son application. Et les droits humains garantis par le Convention européenne des droits de l’homme comme la liberté de réunion et d’expression pareil. Seule victoire, aussi mince soit elle, les prévenuexs ont bénéficié du mobile honorable, circonstance permettant d’atténuer la peine. Merci, mais on ne s’en contentera pas.