Le choc de l’invasion de l’Ukraine par la Russie a suscité des réactions à la hauteur de la catastrophe dans la presse internationale. Cependant, il n’y a pour moi qu’un mot qu convient pour désigner autant le régime russe que cette attaque soudaine et violente. Ce mot, la plupart des journalistes ont probablement un peu peur de l’utiliser car, étant employé à tort et à travers, il ne fait plus très sérieux. Mais tentons de lui redonner du sens et d’y voir plus clair.
Le fascisme
Vladimir Poutine est un dictateur comme les autres, ni plus intéressant, ni moins dangereux. Je n’ai aucune envie de parler de lui, quelle que soit sa nuance de brun, la merde sent toujours la merde. La population russe vit sous son régime fasciste depuis des années. Pouvoir absolu, culte de la personnalité, scrutins prétextes, répression féroce, intimidation, censure, acharnement envers les opposant·e·x·s politiques, violation des droits humains, etc. Le gouvernement coche toutes les cases du bingo totalitaire et violent. Pourtant ce matin, les médias internationaux titraient « Poutine lance une « opération militaire » en Ukraine. ». Un bel euphémisme bien pourri ! Pourquoi les médias doivent-ils toujours aseptiser, diminuer l’information ? Pourquoi personne ne titrait « La Russie fasciste envahit l’Ukraine. » (je vais être obligé de le faire moi, du coup) ? On me rétorquera qu’ils font de « l’information objective » et pas de la politique mais sans déconner, un conflit armé ? Une invasion militaire ? Ne venez pas me dire que ce n’est pas politique ! Qu’est-ce qu’il y a de plus politique que ça ? Tenter de dépolitiser ça, ça revient à ne pas le condamner, donc à soutenir1. Même si des condamnations ont plu toute la journée et que ça n’a absolument rien changé, comme d’habitude.
Ainsi donc, le fascisme rampe aux portes de l’Europe, et on ne peut même plus le nommer. La communauté internationale est choquée, stupéfaite, pétrifiée. Elle n’est pas muette en revanche, les accusations fusent de toutes part, le blâme, la semonce, l’avertissement, que dis-je, le désaveu sont sur toutes les lèvres. Et pendant ce temps, les civils meurent à Kiev, iels meurent à Kramatorsk, à Kharkiv et à Odessa. Les mots n’arrêteront pas les bottes, dont le bruit lancinant se fait désormais plus assourdissant que le silence résigné et insupportable de la torpeur dans laquelle l’Europe a plongé depuis le début de la pandémie.
Vous rampiez, eh bien dansez maintenant
Le fascisme rampe aux portes de l’Europe, ce sont mes mots. Mais le fascisme rampe-t-il encore seulement ? Ce fascisme qu’on ne peut plus nommer, qui se déguise, tantôt il est « liberté d’expression », tantôt « laïcisme politique », tantôt « droit au blasphème », il prend le nom qui arrange les fachos, selon le contexte, selon le moment et l’endroit. Mais on ne peut plus dire qu’il se cache vraiment. Le fascisme, je le vois en Russie, mais je le vois aussi en France, en Suisse, aux Etats-Unis, le fascisme est partout en Occident.
Il est dans les discours et programmes politiques, de Zemmour à Macron en passant par notre UDC bien de chez nous ; il est dans la bouche fielleuse de l’abject Darmanin ; il est dans les yeux des flics de toute l’Europe qui tabassent, le gourdin dressé, des minorités cherchant à faire entendre leurs droits ; il est dans la voix des gardes-côtes qui, au lieu de les accueillir, repoussent les migrant·e·x·s vers la mer et la mort auxquelles iels espéraient échapper ; il est dans le traitement complètement dépolitisé et anecdotique des grandes crises actuelles par les médias ; il est dans la loi MPT ; il est dans le traitement réservé aux militant·e·x·s écologiste·x·s, antiraciste·x·s ou anticapitaliste·x·s dans notre pays soi-disant démocratique ; il est dans la mainmise du capital sur la politique et les institutions partout dans le monde ; il est dans l’hybris de Bolloré qui affirme et assume d’utiliser tous les médias qu’il détient pour mener son « combat civilisationnel »2 ; il est dans l’impérialisme militaire, économique et culturel ; il est dans la mégalomanie exterminatrice d’un homme qui, rêvant au temps béni des colonies de l’URSS, peut d’un hochement de tête sacrifier des milliers de vies pour une « gloire » vaine, illusoire et tragique ; il est jusque dans notre apathie, notre sentiment d’impuissance et notre inaction. Je ne sais pas si le fascisme a déjà gagné, mais l’utopie en tous cas semble avoir perdu.
Mais alors est-ce que c’est la troisième guerre mondiale ?
Vous devez vous en douter mais en tant que bon gauchiste qui se respecte, je n’aime pas beaucoup les armes, l’armée et la guerre. « Ça pollue, ça tue, ça rend con. » d’après l’adage consacré. Je ne sais pas si ce conflit va se mondialiser. Je ne vois pas pourquoi Poutine s’arrêterait au fleuve Dniepr, comme certain·e·x·s commentateur·ice·x·s semblent le penser, ni même à l’Ukraine. En tous cas il y aura des morts, beaucoup de morts. Mais ne soyons pas naïf·ve·x·s, le capitalisme n’a pas besoin de conflits armés pour tuer. La seule guerre mondiale est celle qui oppose ce système cruel et incontrôlable au vivant, et elle dure depuis bientôt 200 ans. Les pandémies, les guerres, les génocides, toutes les horreurs du monde ne finissent toujours que par rendre les riches plus riches et les pauvres plus pauvres (ou plus mort·e·x·s dans le pire des cas). Un tel événement, aussi catastrophique et effroyable qu’il soit, fait en réalité partie de la « bonne marche » du système le plus mortifère ayant jamais existé ; et est souhaité, ou en tous cas accueilli à bras ouverts, par celleux qui nous dominent et dont le pouvoir ou la fortune s’en trouveront accrus. Même les fachos qui ne profitent pas du système, les p’tits fachos de rien du tout genre ton voisin ou ton oncle, qui le sont juste par haine et pas par intérêt socioéconomique ont intégré ça : « Faudrait juste une bonne guerre ! », c’est bien ça qu’ils disent, non ? Faudrait juste une bonne guerre, ben voilà, j’espère que vous êtes content·e·x·s…
Aujourd’hui, l’enfer s’abat sur les Ukrainien·ne·x·s (c’est pas complètement un hasard non plus, l’Ukraine est extrêmement riche en ressources diverses et variées, en plus d’être le grenier à blé d’une bonne partie de de l’Europe3), mais hier c’était les Syrien·ne·x·s, les Lybien·ne·x·s, les Somalien·ne·x·s, les Irakien·ne·x·s, avant hier les Coréen·ne·x·s, les Vietnamien·ne·x·s, et demain d’autres encore4. Le capitalisme est une guerre perpétuelle qui soumet, qui détruit et qui tue. Il en faut toujours plus, pour toujours plus de profit. La guerre que nous voyons là-bas, nous la vivons aussi chaque jour, et chaque jour nous la perdons un peu plus. Parce que le système est prévu comme ça, et que ça continuera tant qu’on en sera pas débarrassé·e·x une bonne fois pour toute !
Mais à mesure que le temps passe, l’espoir de voir poindre une alternative (ou juste d’éviter la fin du monde) faiblit, à mesure que les corps s’enlisent et que les esprits s’embrument. Tandis que notre gouvernement a pris la courageuse décision de ne prendre AUCUNE SANCTION tout en restant « solidaire avec l’UE » (oui oui bien sûr… non mais au secours c’est un cauchemar !), que nos banques fournissent aux oligarques russes de bon petits coffre-forts bien douillets et nos fabricants d’armes de bonnes munitions bien meurtrières, nous sombrons de plus en plus dans un quotidien morne et triste. Un quotidien ou plus rien ne choque, ni un énième scandale financier5, ni l’invasion par une dictature d’un pays à quelques centaines de kilomètres de chez nous. J’espère vraiment que le fascisme n’a pas déjà gagné…
- Afin de nuancer un peu mon propos, je tiens à préciser que les termes « opération militaire » sont ceux de Poutine, et ils ont été repris par les médias dans un premier temps. Toutefois, il est clair en ce 25 février que personne n’est dupe et le mot invasion a fini par s’imposer dans les titres de la presse
- Combat fascisant, évidemment, qui sera surpris ?
- https://www.facebook.com/100069312455599/posts/249570517363362/
- Et on oublie pas les Tchétchènes, les Palestinien·ne·x·s, les Kurdes, les Ouïghours et tant d’autres, dont la persécution dure depuis si longtemps qu’elle ne fait plus guère la une des journaux.
- https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/02/20/suisse-secrets-revelations-sur-l-argent-sale-cache-chez-credit-suisse_61145264355770.html
Quelle déception de trouver cet article sur le Colvert du Peuple!
(Pourquoi pas le mettre sur le Figaro directement?)
Je n’aime pas la tête du nationaliste – mais anti-fasciste – Poutine non plus, mais de là à ne pas étudier leurs arguments et soutenir indirectement le sale jeu des impérialistes USA et de l’Otan, c’est un grand pas – même pour un(e) anarchiste… Personne ne veut la guerre, ni les russes, ni le peuple ukrainien.
Merci d’investir un peu de temps pour analyser un tout petit peu mieux la situation qui a commencé bien avant. Je te propose de commencer par ces 15′ sur YouTube :
Le Canard Réfractaire :
Ukraine: la défaite de l Occident https://youtu.be/QwiUAc2I4PQ
puis, si t’a kiffé, pour quoi pas celui-ci, un peu plus ancien, mais très instructif aussi..
Le Canard Réfractaire :
Les médias vous mentent sur l’Ukraine
https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=FapkmgNlaYk (40min)
– Ce sont des jeunes journalistes d’investigation, ou de chercher quelques articles sur Legrandsoir.info (français) ou sur arretsurinfo.ch (suisse !) Oui, ça existe encore, des journalistes de référence et non pas de révérence qui répètent en boucle la version des marchand d’armes, Bolloré et co.)
Ca me ferait plaisir d’avoir quelques opinions sur ces vidéos !
Il serait intéressant d’étudier l’histoire du financement de la deuxième guerre mondiale suite à l’ouverture des archives, le financement d’HITLER par les banquiers états-uniens et britanniques, couvert par le président Franklin ROOSEVELT et Neville Chamberlain, dans l’espoir de détruire l’URSS. Puis la signature des accords de l’atlantique Nord sois disant pour protéger l’Europe, mais surtout pour définir le dollars comme monnaie de référence, et la création de l’OTAN, une organisation criminelle en mains des usa qui envoie des troupes européennes se faire tuer dans des pays où les USA on semé la zizanie. Pour rappel dès la fin du pacte de Varsovie, l’installation par l’OTAN pour les USA de base dirigée contre l’URSS. Encore une petite remarque, il est étonnant qu’en presque 8 ans aucune réaction américaine où européenne pour le non respect des accords de Minsk.
Il n’y a pas grand chose à prendre que ce soit d’un côté où d’un autre, mais l’équité de l’information est importante.