Qui dit 5G, dit antennes adaptatives. Finis les rayonnements diffus et homogènes des antennes conventionnelles. Les nouvelles antennes peuvent désormais cibler les appareils connectés. Parmi les nombreux problèmes que pose cette transformation technologique1, on trouve celui de sa régulation. Certes les rayonnements n’inondent plus tout le monde et sont dirigés, mais pour que la 5G fonctionne efficacement, il est prévu d’augmenter considérablement la puissance de ces rayonnements. Les augmenter dans quelle proportion ? Et comment mesurer les limites d’un rayonnement qui n’est pas continu ? Il y a une année, le Conseil fédéral annonçait le contournement des valeurs limites en décidant notamment que les mesures seraient lissées sur 6 minutes.
Sur cette question fondamentale est venue se greffer une autre, plus légaliste et pragmatique, que nous avions évoquée il y a quelques mois 2. Au regard de la loi, le passage d’une antenne conventionnelle à une antenne adaptative est-il une modification mineure pouvant se faire sans avertissement ou doit-il, du fait du changement des rayonnements, faire l’objet d’une nouvelle mise à l’enquête ? C’est là un enjeu de taille : le développement rapide de la 5G dépend en partie de la facilité avec laquelle les opérateurs peuvent transformer leurs antennes et s’éviter l’opposition des habitant.es et des militant.es. La DTAP, l’organisation qui réunit les responsables cantonaux de l’aménagement du territoire, a publié début mars ses recommandations pour aider les Cantons à faire face à cette situation complexe, en leur proposant deux options3.
Nous publions à ce propos la réaction de l’Association STOP 5G Glâne.
Soit les Cantons n’ont pas réussi à se mettre d’accord, soit la DTAP n’a pas osé affronter la Confédération et les opérateurs. Les recommandations parues aujourd’hui sont à 2 vitesses.
L’option 1 est une sorte de statu quo qui continue à autoriser les cas bagatelles (modifications mineures) comme avant. Le remplacement d’une antenne conventionnelle par une antenne adaptative n’est pas autorisé, mais par contre si une antenne adaptative existe déjà dans l’installation, un transfert de puissance entre une antenne conventionnelle et une antenne adaptative (ne bénéficiant pas des facteurs de correction) est possible.
L’option 2 autorise les Cantons à traiter les modifications suivantes comme des modifications mineures:
– remplacement d’une antenne conventionnelle par une antenne adaptative (même avec un facteur de correction)
– remplacement d’une antenne adaptative par une antenne adaptative (application d’un facteur de correction possible)
– transferts de puissance entre des antennes conventionnelles et des antennes adaptatives de même azimut (là aussi, ce peut être l’occasion d’appliquer un facteur de correction).
Il est noté en accompagnement de cette option : « Ces modifications peuvent générer de brèves augmentations de l’intensité des champs électriques, tout en respectant les valeurs limites et en maintenant pleinement la mise en œuvre du principe de prévention. » Et c’est là qu’évidemment il est impossible d’être d’accord, puisque le dépassement peut atteindre 3 fois la valeur limite actuelle (15,81 V/m) et peut atteindre une durée de 2 heures et 24 minutes par jour. Le dépassement maximum pour les antennes n’ayant que 8 sub arrays est de 7.9 V/m avec une durée maximale de 9 heures et 32 minutes par jour, soit plus d’une tiers d’une journée. La notion de brièveté des dépassements est ainsi très relative4!
Il est donc très difficile de voir dans cette option 2 un maintien du principe de prévention. Est-il nécessaire de rappeler une fois de plus que l’astuce consistant à faire une moyenne des rayonnements sur une durée n’a de raison d’être que si on croit aveuglément au dogme des effets uniquement thermiques des rayonnements non ionisants ? Ce dogme n’existe plus grâce aux conclusions des experts mandatés par la Confédération5.
Dans les points positifs de ces recommandations, on peut relever qu’il est désormais nécessaire de d’abord obtenir l’autorisation de l’autorité : « La modification mineure ne peut être réalisée qu’après l’obtention de l’accord de l’autorité ». Cela exclut dorénavant d’installer de nouvelles antennes, de mesurer leur rayonnement et d’ensuite transmettre la fiche de données spécifique au Canton tel que c’était autorisé dans le « Complément du 28 mars 2013 à la Recommandation d’exécution de l’ORNI pour les stations de base pour téléphonie mobile et raccordements sans fil (WLL) » à la page 5. Il va cependant être difficile pour les particuliers ou même les Communes de contrôler que ce sera mis en application.
Autre point positif, il est appréciable que l’obligation de suivre une procédure de demande de permis de construire, avec une nouvelle justification et une nouvelle pesée des intérêts, pour toute modification d’une installation de téléphonie mobile sise hors zone à bâtir, soit maintenue.
La demande que l’opérateur établisse, pour les modifications mineures selon l’option 2, la liste de tous les LUS où les immiscions atteindront au moins 80% de la valeur limite de l’installation, soit 4 V/m est appréciable et permettra de se rendre compte de l’impact négatif que l’utilisation d’antennes adaptatives aura sur l’exposition des voisins de l’antenne. Ou plutôt de ne pas s’en rendre compte puisque le propre d’une modification mineure c’est de ne pas être publique. Il faudra une fois de plus que les citoyens utilisent les lois sur la transparence pour obtenir ces fiches de données spécifiques. On est encore très loin de la transparence proposée au point 10.3.1 du rapport « Téléphonie mobile et rayonnement » qui proposait de mettre à disposition de la population une « représentation des immissions modélisées du champ électrique des installations émettrices dans un cadastre en ligne accessible au public ».
L’option 2 permet ainsi l’application des facteurs de correction aux antennes adaptatives via des modifications mineures. La jurisprudence de l ‘ATF 128 II 168 et les recommandations de Cercl’Air concernant les augmentations de puissance et les distances d’opposition ne sont pas respectées. Même l’avis de droit commandé par la DTAP et recommandant une autorisation ordinaire pour les antennes adaptatives n’est pas respecté par l’option 26. Il est donc primordial afin d’assurer la sécurité juridique que l’option 2 ne soit appliquée par aucun Canton. Ceci également afin de maintenir le principe de précaution mis à mal par les facteurs de correction.
Concernant la demande de la DTAP que la Confédération procède à une révision de l’ORNI, cela est effectivement nécessaire. Ne serait-ce déjà que pour abandonner le principe de neutralité technologique appliqué à la téléphonie mobile. Du point de vue sanitaire, la neutralité technologique n’existe pas. Le concept de neutralité technologique a été développé par les fabricants de matériel pour la téléphonie mobile en vue de s’assurer du maintien de leur commerce. Il a été mis en application en Suisse par la Comcom, organisme dont la plupart des membres sont liés aux opérateurs de téléphonie mobile. Le passage de la quatrième génération de téléphonie mobile à la cinquième génération est un changement complet de technologie et d’utilisation, d’exposition de la population et de risques sanitaires. L’ORNI doit donc bien être adaptée afin de renforcer la protection de la population. Il est exclu de vendre les fréquences de la 5G millimétrique tant que l’ORNI n’a pas été adaptée pour tenir compte des risques accrus de la connexion permanente et ubiquitaire que souhaite offrir la 5G. En particulier, l’ORNI doit être modifiée afin de tenir compte de toutes les sources de rayonnements, quelles que soient leur puissance.
- On a tenté d’en résumer quelques-uns dans une suite d’articles que vous trouverez ici : https://lecolvertdupeuple.ch/2020/10/15/5g-une-lutte-moins-theorique-quexistentielle-1-5/
- https://lecolvertdupeuple.ch/2021/10/10/la-5g-a-nouveau-embourbee/
- Le communiqué de la DTAP : https://www.begem.ch/images/content/news/F_MMBPUKmitneuenMobilfunkempfehlungen.pdf
- Pour plus d’information sur ces dépassements et leur durée : https://www.facebook.com/…/permalink/889657281900678
- https://www.facebook.com/…/permalink/1004727643726974
- Le détail de cette jurisprudence est accessible dans ce communiqué : https://www.facebook.com/…/permalink/1041489026717502