Plus de deux mois après le tournoi de foot non-compétitif que nous avons organisé, il est temps de replonger nos plumes et nos têtes dans la mare de nos souvenirs. Mettre des mots sur cette belle balade automnale n’a pas été chose aisée. Nous nous retrouvions rarement dans les textes que nous écrivions. Nous étions aussi un peu lassé.es de devoir inventer de nouvelles manières d’écrire cette journée colorée et militante.
Plutôt que de ne laisser aucune trace de notre tournoi sur notre site, nous avons donc décidé de republier un de nos textes parus dans Moins!. Nous l’avons agrémenté de quelques sourires figés dans nos pellicules. L’occasion de vous remercier, vous tousxtes qui étiez là, une dernière fois. Et de vous dire de ne pas ranger vos maillots trop profondément dans vos placards.
Au Colvert du peuple, nos pratiques sont habituellement langagières. Voilà plus de deux ans qu’on a lancé notre journal sur Internet – on déplume l’actualité militante fribourgeoise, on envoie des coups de bec dans ce monde immonde, on lorgne sur les décombres à la recherche de ce qui vient. Pourtant, quand la Coupe du Monde s’est invitée, les mots étaient plus impuissants que jamais. D’abord, les appels au boycott nous semblaient inoffensifs, souvent hypocrites, et parfois même frappés sans mot dire par un mépris de classe. Ensuite, les positions moralistes ont souvent de pervers qu’elles s’aveuglent sur la vraie nature de ce qu’elles écartent. Il fallait la regarder telle qu’elle se présentait à nous, monstrueusement omniprésente dans les médias, dans les discours, dans les esprits : la Coupe du Monde est une machine puissante d’affects.
Les individus qu’elle traverse – nous, vous – elle les relie, elle intensifie leur existence le temps d’un match, le temps de quelques semaines de tournoi, et va jusqu’à imposer son propre rythme. Elle procure ce dont le capitalisme raffole et se nourrit car il peut le vendre quel que soit le coût social ou écologique : de la joie, de l’espoir, de la beauté. Face à ce genre de machines, nos plumes n’avaient aucune efficacité. Et il fallait autre chose. Autre chose comme une autre machine – comme l’autre collective, comme l’autre joyeuse, comme l’autre concrète. C’est dans cette perspective que nous avons décidé d’organiser un tournoi de foot populaire le 20 novembre, jour du match d’ouverture, le long de la Sarine, au Grabensaal.
Le projet nous a dépassé. Nous craignions être surtout entre ami.e.s, on s’est retrouvé avec 18 équipes inscrites et plus de 130 jouheureuses – pour la plupart des personnes que nous ne connaissions pas. La journée avait été méticuleusement organisée en amont. Pêle-mêle et non-exhaustivement : une tonne de matos, une charte, une team care, bouffe pop’ pour le midi et after prévu le soir. Le tout financé à prix libre. Pendant la journée, tout était autogéré – à l’image de chaque début de match : les deux équipes se jaugeant pendant les premières minutes et décidant plus ou moins explicitement du niveau d’intensité que prendra le match. Du foot – sans classement et sans résultat officiel, sans gagnant ni perdant, sans arbitre. Du foot – de la joie, des efforts physiques, de la beauté. Du foot pour faire oublier la Coupe du Monde.