Deux mois. Cela fait exactement deux mois que Jérémy*, militant écolo suspecté d’avoir saboté deux machines d’Holcim treize mois plus tôt, croupit en prison. Placé en préventive à Champ-Dollon, le Genevois de 22 ans est enfermé dans une cellule de quelques mètres carré avec quatre autres personnes 23 heures sur 24.
En janvier 2022, des activistes sabotent deux machines d’Holcim sous une lune complice. Iels taguent, à proximité du géant gris et de ses crocs métalliques, Holcim de merde et Ouvrières, butez vos patrons. Après avoir mis le feu à deux véhicules, iels quittent les lieux, en l’occurrence la gravière de Sézegnin.
Treize mois plus tard, le 15 mars 2023, Jérémy*, suspecté d’y avoir participé, est arrêté par la police. Pendant que son appartement est perquisitionné, le militant de 22 ans est emmené au poste, avant d’être placé en détention préventive. Le parquet genevois justifie cette décision avec ses craintes que Jérémy* ne contacte un.xe de ses complices ou fasse détruire des preuves. Pour le comité en soutien qui s’est créé, ainsi que pour différents représentants politiques1 du bout du lac, cette décision est plus politique que judiciaire. A coup d’actes d’intimidation et de répression, les autorités publiques essaie de faire taire une voix. Celle d’un autre monde, plus juste et moins brutal. Mais cette voix, parce qu’elle brûle nos poumons, ne se taira jamais.
Les conditions de Champ-Dollon
Champ-Dollon n’est pas vraiment une prison comme une autre. Le comité de soutien à Jérémy* écrit : « Champ-Dollon, cette prison dont les conditions de détention sont parmi les pires d’Europe. Les personnes détenues passent 23 heures sur 24 en cellule. Elles n’ont droit qu’à une heure de promenade par jour et passent le reste de leurs journées dans des cellules souvent partagées avec plus de détenu.e.x.s qu’il n’y a de places prévues. Champ-Dollon est réputée pour ses conditions de détentions inhumaines et sa surpopulation. En effet, pour 398 places officielles, Champ-Dollon enferme entre 600 et 800 détenu.e.x.s. La prison ne compte que trois téléphones, autant dire des mois d’attente pour pouvoir téléphoner à ses proches. Les détenu.e.x.s n’ont droit qu’à deux fois une heure de sport par semaine et la session de sport peut être annulée sans aucune forme de remplacement. Il y aurait encore beaucoup à dire : l’humiliation de la fouille à nu avant et après chaque visite, les violences des gardien.ne.x.s, la difficulté d’accès aux médecins, l’accès aux produits essentiels possible seulement durant “l’heure de réclamation” (passage des gardiens) à 7h du matin, la chaleur de la canicule et le manque de mesures l’été passé, la gestion désastreuse de la pandémie en 2020 et 2021, les parloirs surveillés, les conversations téléphoniques avec les proches enregistrées, le courrier systématiquement lu et censuré et on en passe. Même le Tribunal fédéral a qualifié les conditions de détention à Champ-Dollon d’inhumaines et dégradantes en 2016.
Ni Jérémy*, ni personne d’autre ne devrait vivre dans ces conditions. »2
Contre la police, la prison et la justice
Le délai entre le début de l’enquête judiciaire et le placement de Jérémy* en préventive, ainsi que la disproportion évidente de cette décision, interpellent. En réalité, le caractère politique de cette détention préventive saute aux yeux. A travers cet acharnement judiciaire contre Jérémy* et cette volonté manifeste de briser tant l’humain que le militant, les autorités publiques nous envoient un message. Vous nous effrayez. La menace de devoir croupir plusieurs mois dans une prison et ces conditions nous effraie. Mais nous ne lâcherons rien. Nos créativités, nos puissances, nos joies sont plus fortes que votre répression et vos intimidations. Voilà une partie de notre réponse.
L’émotion que provoque en nous l’affaire Jérémy*, et l’affection que nous lui adressons depuis Fribourg, n’oublient en rien la nature raciste de nos institutions. Il faut le répéter : la police, la prison, la justice sont des institutions racistes qui mutilent, qui traumatisent, qui violentent, qui tuent. Dans l’indifférence, dans l’ombre, à l’abri des caméras et des consciences. Elles nous répugnent. Nous n’avons pas attendu qu’un copain de lutte doive y faire face, avec l’avalanche de violences que cela comporte, pour afficher notre positionnement anarchiste et anticapitaliste face à elles. L’occasion, donc, d’envoyer notre force à touxtes celleux qui souffrent entre les mailles de la justice, de la police et de la prison.
Et maintenant ?
La situation de Jérémy* et les aberrations qu’elle comporte est à suivre sur les réseaux de nos amixes de Renversé. Si elle baigne depuis des mois dans l’incertitude, le tribunal a confirmé que Jérémy* sera gardé en préventive au moins jusqu’au 15 juin.
Si l’impuissance ronge nos cœurs, nous n’oublions pas nos faibles marges de manœuvre, ici et là : en parler, le taguer sur les rues de Fribourg, manifester dans les différents blocs de soutien à Jérémy* et contre ces institutions brutales, s’engager pour un monde enfin débarrassé d’elles.
Et surtout, surtout ne pas se résigner.
Le 2 juin aura lieu à Genève une manifestation en soutien à Jérémy*. Rendez-vous dès 18h30, à la rue du Mont-Blanc. Soyons nombreux.ses à déferler dans les rues genevoises !
- Globalement toute la gauche, y compris le PS et (semble-t-il) les Vert.es ? : https://renverse.co/
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