Claudine Sautaux est une élue du Centre au conseil général de Fribourg. Sur Twitter, l’économiste multiplie les prises de position sulfureuses : attaques incessantes contre « l’éco-terrorisme », discours délirants pendant la crise du Covid, partage d’actions et de discours d’extrême-droite, etc.
Son comportement, ainsi que les réponses du Centre face à ses déclarations, symbolisent le déplacement idéologique de la droite bourgeoise, prête à tous les excès et à tous les mensonges pour contenir ces soulèvements sociaux qui grondent.
Le 21 juillet 2021, la page du Centre Fribourg retweete un interview de Jean Birnbaum. En reprenant le discours de l’éditorialiste du Monde, le parti écrit : « le courage de la nuance… tellement centriste! ». Quelques heures plus tard, Claudine Sautaux, élue centriste de la ville de Fribourg, retweete à son tour. En se baladant sur ses réseaux sociaux, et notamment sous les ailes du petit oiseau bleu, la situation peut prêter à sourire, tant l’économiste semble voler à contre-courant de son parti. Voici quelques exemples qui ont attiré notre attention.
Eco-terrorisme et haine des mouvements écolos
Claudine Sautaux accumule les tweets traitant les militantxes d’XR ou des Grondements des terre « d’éco-terroriste ». Ce faisant, elle banalise et encourage la prolifération de ce terme abject dans le débat médiatique et politique. Elle pousse encore l’indécence plus loin, en insultant des militantxes et en clamant qu’un camion décidant de rouler sur des activistes non-violents est dans son droit.
Graines racistes et liens avec l’extrême-droite
En retweetant la démarche d’une personne vendant des t-shirts inqualifiables, en partageant sur Instagram une image digne de Tintin au Congo, première version, en soutenant les jeunes UDC dans leur combat juste contre le wokisme et en repartageant un article sur Némésis (mouvement pseudo-féministe d’extrême-droite) et un tweet de Reconquête, le parti de Zemmour, Claudine Sautaux affiche publiquement ses liens avec une certaine idéologie d’extrême-droite.
Comportement lors de la crise du Covid
Voici pêle-mêle quelques sorties de Claudine Sautaux durant le Covid. Outre le repartage de médias pour le moins tendancieux (notamment FranceSoir), l’élue centriste s’est démarquée par un soutien sans faille aux mouvements luttant contre les restrictions sanitaires et par des déclarations parfois bien confuses.
A l’international
Pour finir, l’élue fribourgeoise du Centre aligne les prises de position douteuses sur la situation internationale : L’Occident moralisateur (vis-à-vis de la Russie) et décadent, éloge d’Elon Musk et de Houellebecq, perspective sur l’attaque du Capitole assez étonnante (ou pas, finalement).
Ces dérapages n’en sont pas. En reprenant avec autant de zèle son verbe, en se faisant la porte-voix de ses discours et de ses actions, Claudine Sautaux fait le lit de l’extrême-droite. Dans une actualité politique lourde et pesante, plongée sous d’épais brouillards, l’élue du Centre rajoute sa petite brume de confusions, de bêtises et d’amalgames.
L’affaire Claudine Sautaux n’est pas tant intéressante pour ce qu’elle est, que pour ce qu’elle dit. Ses tweets trempés à l’acide échouent dans le désert numérique, tandis que sa voix d’élue se heurte à un hémicycle acquis à la gauche. En revanche, cette affaire dit un certain nombre de choses. Elle dit quelque chose du Centre, elle dit quelque chose du déplacement idéologique de la classe politique bourgeoise se sentant menacée, elle dit quelque chose de l’ambiance médiatique et politique qui s’est posée sur la Suisse, et sur d’autres pays avant elle, comme un couvercle.
Le Centre, un parti qui porte mal son nom
En abandonnant ses racines chrétiennes et en se renommant Le Centre, le PDC a matérialisé ses ambitions : celles d’obtenir le rôle de balance dans la politique suisse. Son site internet ne dit pas autre chose. « La cohésion de la Suisse est menacée par la polarisation croissante de notre société. Les positions radicales et dogmatiques des partis de gauche et de droite empêchent de mettre en œuvre les réformes essentielles pour l’avenir du pays ». Ce récit atteste que le parti se pense et se considère centriste non pas par ses positionnements politiques ou idéologiques, mais par sa position relationnelle avec la droite et la gauche. Cette posture géographique, et non politique, est fragile. Soumise au climat politique ambiant, elle fait plier le parti centriste sous les vents de l’actualité politique et médiatique. En période de droitisation du débat public, dans laquelle les partis de droite usent et abusent de termes odieux empruntés à l’extrême-droite, le Centre plie sous certains discours réactionnaires.
Car ces postures centristes ne sont bien évidemment que des postures. Lorsqu’il s’agit de voter, de s’exprimer politiquement, le Centre s’allie presque systématiquement avec la droite et l’extrême-droite. Que ce soit à l’aube d’élections cantonales ou sous les différentes coupoles nationales, l’ex-PDC ne trahit jamais son habitus1 bourgeois en faisant front commun avec le PLR et l’UDC. Que cette dernière ait franchi ces dernières semaines des lignes brunes intolérables (on pense notamment aux tracts mensongers contre la loi climat ou au comportement vis-à-vis de la Russie) ne devrait pas faire changer d’avis un Centre qui l’a déserté depuis un certain moment. Sans programme politique concret et réel (non, le triptyque « Liberté, Solidarité, Responsabilité » usé jusqu’à la corde ne suffit pas), le Centre semble être plus un esprit (un peu de gauche sur les questions sociales et de droite sur tout le reste) facilement corruptible par les temps qui courent.
Les réponses de Simon Murith
Nous voulions prendre le pouls du Centre concernant l’affaire Sautaux. C’est Simon Murith, président du Centre Fribourg-Ville depuis 2017, qui a pris la peine de nous répondre. Après tout, peut-être que ces tweets ravageurs avaient échappé aux radars du parti, et que l’élue fribourgeoise se verrait illico presto montrer la porte.
Nous pourrions résumer sa longue réponse en une formule : l’eau tiède a le mérite d’être ni bouillante, ni glaciale. Mais c’est à peu près tout.
Nos principales interrogations sont restées lettres mortes. Comment le Centre se positionne-t-il face à de tels propos (les cautionne-il ?) et quelle ligne ne doit pas franchir un.e élu.e du Centre pour être viré.e du groupe ? Silence. Simon Murith, en bon avocat qu’il est, insiste toutefois sur le fait que Madame Sautaux demeure libre de faire usage de son droit constitutionnel à la liberté d’expression, que notre section n’a pas vocation à commenter dans le détail chaque intervention de ses élu.e.s, que ses interventions reflétaient que son point de vue, que ses propos peuvent être partagés ou contestés. Après avoir quand même rappelé que les insultes n’ont pas leur place dans le débat public et qu’ils en condamnent l’usage, le président du groupe indique regretter que cet usage soit de plus en plus en vogue et banalisé sur les réseaux sociaux. Il affirme ensuite en avoir discuté avec Madame Sautaux, tout en rappelant à l’ensemble des membres la bienséance à observer dans leurs prises de position.
En guise de conclusion, Simon Murith tape une nouvelle fois sur les réseaux sociaux, qu’il accuse d’être, à cause de la surenchère sémantique qui y préside, en partie responsable de l’arrivée de termes comme écoterroristes dans le débat politique et public. Il note toutefois (et il faut le souligner) que cette notion est utilisée abusivement pour discréditer les activistes et que ce terme est sans commune mesure avec la notion de « terrorisme ». Avant de retomber sur ses pattes libérales : Chacun-e est responsable de l’emploi de ce terme et de l’interprétation qui en est faite.
[1] https://www.blick.ch/fr/news/suisse/anders-breivik-comme-modele-il-avait-presque-reussi-a-tuer-des-etrangers-en-suisse-alemanique-id18550314.html?utm_medium=social&utm_campaign=share-button&utm_source=twitter