Ce texte que nous avons reçu exprime et résume parfaitement la situation dans laquelle se trouvent nos mouvements militants. Face à des Etats capitalistes qui n’hésitent plus à blesser, mutiler, emprisonner et tuer, il faut nous protéger, prendre soin de nous, nous organiser et contre-attaquer.
Ce panorama dressé sent le soufre, autant qu’il brûle d’espoir. Face aux violences, aux brutalités et aux meurtres de l’Etat, il est temps de démontrer que notre détermination, nos joies et nos aspirations à un monde meilleur sont plus fortes.
Le 18 janvier dernier dans la forêt Weelaunee, Manuel Terán, unx écologiste, connue sous le surnom de Tortuguita, a été tuée par la police. Iel faisait partie des militantexs qui s’opposent depuis deux ans pour protéger la forêt du sud d’Atlanta face à la construction d’une ville/centre d’entraînement de la police (la « Cop City ») et d’un studio de cinéma. Tortuguita était l’une des « zadistes » qui occupaient le « poumon vert d’Atlanta » depuis novembre 2021. Vivant de manière permanente dans des cabanes dans les arbres, iels font face régulièrement à des raids violents organisés par la police dans le but de les disperser. Et c’est pendant l’un de ces raids que Tortuguita a été criblée de balles.
La police, après ce meurtre, a directement affirmé que c’était de la légitime défense pour répondre à des coups de feux de Tortuguita. Mais les résultats de l’autopsie apparue récemment1 (pratiquée par le comté de DeKalb) démontrent le contraire : l’activiste n’avait pas tiré avec une arme (aucun résidu de poudre n’a été retrouvé sur ellui.), et levait les mains lorsqu’iel a été tué par 57 balles. Iel a donc été lâchement assassiné par la police.
Cet événement n’arrive pas par hasard, il découle d’un choix stratégique conscient, adopté par la plupart des états occidentaux ces derniers temps : celui d’une escalade répressive violente face à celleux qui luttent pour un monde plus juste.
Ces derniers mois, ce fut un véritable déchaînement : en plus de cet assassinat immonde, la police étasunienne a arrêté 40 militantexs anti-Cop City (dont un Français) pour des faits de « terrorisme intérieur »2. Iels encourent entre 5 et 35 ans de prisons. Les ONG de défense des droits s’indignent : « D’après les informations contenues dans les mandats d’arrêt, de nombreux individus accusés de terrorisme intérieur ne sont accusés que d’intrusion ou d’autres délits mineurs », dénonçant ainsi « une tactique d’intimidation ». Et le 7 juin, ce fut le tour de 3 autres personnes, arrêtées par le SWAT, une unité de police militarisée, pour avoir distribué des tracts où apparaissait le nom du policier qui a tué Tortuguita. Iels encourent 20 ans d’emprisonnement déclare le média Lundi Matin3.
Mais les Etats Unis sont loin de faire exception. En France aussi, la police à décidé d’utiliser la méthode forte : en marquant les corps et les esprits avec des armes de guerre, et en prenant ainsi le risque de tuer. On pense notamment à la violence militaire exercée à Sainte-Soline, lors de l’action contre les mégabassines, il y a 2 mois. Certainexs d’entre nous y étaient, et aujourd’hui, nous ne nous en sommes toujours pas remis. On y a vu des grenades tirées aléatoirement dans la foule, arracher des parties de pieds, faire des trous sur des visages défigurés et sur des cuisses ou même dirigées pour atterrir à quelques mètres de médics’ en trains de soigner des blessé-es. Ce jour-là, la police a mis 2 personnes dans le coma et a retardé de plus d’une heure leur prise en charge par les secours, en empêchant ces derniers de se rendre sur place. Une d’entre elle sort tout juste du coma et risque de garder des séquelles à vie. Ce jour-là, il ne s’agissait pas tant d’arrêter des personnes, mais de marquer les chairs : de blesser, voir tuer pour terroriser.
Lors de ce weekend à Sainte-Soline, la police a également enfermé une personne venue depuis la Suisse. Ils l’ont arrêtée la veille de la manifestation, pour une interdiction de territoire dont cette personne n’avait jamais été notifiée. Iel a ensuite passé 4 jours dans un centre de rétention administrative (CRA) avant d’être renvoyé en Suisse, menottes au poing4. Le ministre de l’intérieur Darmanin vient d’ailleurs de réutiliser ces procédures extra-légales pour arrêter d’autres militantexs d’Italie avant une manifestation le 6 Juin. C’est encore un nouveau moyen de répression horrible pour faire la chasse aux soutiens internationaux.
L’état français ne s’est jamais excusé après les mutilations de Sainte-Soline mais a préféré déployer les grands moyens pour faire taire les détracteurices : que ce soit par des mensonges répétés ou encore par les menaces, puis finalement la dissolution des Soulèvements de la Terre. Toujours en lien, ces derniers jours, une vague de pérquisitions et garde à vue a sévi en France à l’encontre de militantexs, soupçonné-e-x-s d’avoir participé à l’action de désarmement de l’usine de ciment Lafarge- Holcim. Et c’est la Sous-Direction Anti-Terroriste (SDAT) qui a ordonné leurs perquisitions. Il va sans dire que ces derniers mois l’état français est particulièrement en roue libre à l’encontre des militantexs écologistes et que son appareil répressif est vigoureusement déployé. Le tout bien huilé par des années de dispositifs antiterroristes et une réthorique de construction de l’ennemi.
Il ne faut surtout pas qu’on oublie que les mouvements écolos – parce que majoritairement (mais pas que) issus de la classe moyenne supérieure, majoritairement blancs, majoritairement diplômés – ont été jusque-là extrêmement préservés de la violence étatique dans leurs quotidiens et leurs chairs en comparaison à d’autres groupes sociaux plus précaires et non blancs. (ACAB tmtc).
Ceci dit pendant ce temps LafargeHolcim et ses anciennes petites affaires avec l’Etat islamique continue le jeu du grand capital écocidaire sans se soucier de rien, et plusieurs pays européens pètent tour à tour un câble en montant d’un cran la criminalisation et les mesures de répression des mouvements écologistes.
La Suisse a donc aussi décidé d’employer la méthode forte. Le cas de la détention de Jeremy* à la Prison de Champ-Dollon à Genève pendant près de trois mois en est l’exemple (lisez renverse.co). Il est accusé d’avoir saboté des véhicules et engins du géant du ciment Holcim, le plus gros pollueur de Suisse. Ils l’ont maintenu enfermé malgré un dossier ne tenant pas la route, et dans des conditions dégueulasses. C’est une intimidation, l’état cherche à dissuader tout un mouvement, à faire un cas d’exemple et à faire peur. Mais cela ne fait qu’amplifier notre détermination. Et en s’attaquant à nous plutôt qu’aux malfaiteurs responsables du désastre, ils réussissent à montrer à toujours plus de militantexs dans quel camp ils se trouvent.
Pour laisser passer de telles violences dans l’opinion publique, les politiciens et certains de leurs média se mettent à durcir le langage. Par exemple, ils parlent désormais d’éco-terrorisme pour décrire nos mouvements. Ce terme est bien sûr, complètement inadapté, même avec les actions écologistes les plus radicales (Pour rappel, le terrorisme : c’est un massacre de masse aléatoire). Ces éléments de langages leur permettent de justifier n’importe quoi : en effet, on ne parle pas avec des terroristes, on cherche plutôt à les éliminer.
Cette période nous remémore le choix répressif des états dans les années 2000 face au mouvement altermondialiste avec d’horribles épisodes, notamment à Göteborg et à Gène, où la police a tiré sur des manifestants, blessant 3 personnes à Göteborg et tuant Carlo Guilianni à Gène. Quelques jours plus tard, après une manifestation de très grande ampleur, fortement reprimée aussi, la police faisait un raid sur l’école « Diaz », blessant sévèrement des dizaines de personnes, et torturant une partie des personnes arrêtées par la suite.
Nous sommes donc en train de vivre une période où les gouvernements des puissances capitalistes ont décidé de jouer à nouveau la carte de la répression pour essayer de faire taire toutes les voix qui se soulèvent. Parce que ces voix les font trembler, parce qu’elles se propagent. Parce que ces voix ont compris qu’il n’y avait plus rien à attendre de leur monde et sont prêtes à agir face à leur inaction. Ils peuvent continuer d’essayer de nous enterrer mais ils ne savent pas que nous sommes des graines !
Nous tenons a apporter tout notre soutien à la famille et aux proches de Tortuguita ainsi qu’à toutes les personnes qui ont été mutilées et arrêtées ces derniers temps. C’est inacceptable que la police puisse tuer délibérément et lâchement unx camarade qui dévouait sa vie pour défendre une forêt, et plus globalement pour faire advenir une société plus juste, féministe, écologiste et antiraciste.
De nombreux incendies et actions de sabotage se répandent partout aux Etats-Unis, et ailleurs dans le monde, visant les groupes et entreprises qui financent le projet de la Cop City et plus globalement des acteurs responsables du désastre écologique et social en cours. Nous soutenons bien sûr toutes ces actions et encourageons les camarades du monde entier qui s’en sentent capables, d’agir avec rapidité, créativité et liberté. Prenons notre revanche pour la vie qui nous a été volée.
On aimerait conclure par le message laissé par des amis a Tortuguita qui ont enflammé plusieurs engins de chantier en réaction a son assassinat par la police : « Que le sourire de Tortuguita soit la flamme que nous portons pour mettre le feu à cette civilisation, et qu’il soit la lumière qui nous rappelle de nous aimer sur les cendres. »
Autre ressources :
https://lundi.am/Dissolution-des-Soulevements-de-la-Terre-5566
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