Te souviens-tu du 20 novembre 2022 ? Le Colvert du Peuple organisait un tournoi de foot sur les champs du Grabensaal. Ouvert à toustes et non-compétitif, le tournoi avait rassemblé sous le signe de la joie des oiseaux de tous bords. La fête avait été belle. Si belle que le Colvert remet les couverts : le 15 octobre aura lieu la 2ème édition de Mares & Cages. Save the date !
Quelques infos
Le tournoi sera non-compétitif. C’est-à-dire pas de prise de bec, pas de méchant coups de palme, ni de patte dans les plumes. On jouera sans classement, sans vainqueur – et les plus compétitifs et compétitives d’entre nous veilleront à la mettre en veilleuse.
Dans le même ordre d’idée, le tournoi sera mixte est inclusif : tout le monde est invité.e à y participer, et on fera collectivement attention pour que chacun.e puisse trouver sa place dans l’événement.
Concernant la nourriture, comme l’année dernière, il y aura une bouffe pop’. Et comme l’année dernière, les prix seront libres – l’idée étant que les personnes plus riches paient (plus) pour les personnes avec peu de moyens.
Pour t’inscrire il te suffit d’écrire un mail à colvertfoot@protonmail.com. Les inscriptions peuvent soit se faire par équipe (minimum 6 personnes), soit individuellement. Tu as jusqu’au 1er octobre pour t’inscrire – n’attends pas !
Pourquoi un tournoi de foot ?
Tu te demandes peut-être pourquoi le Colvert se mouille dans l’organisation d’un tournoi de football ? Ou tu es plus péremptoire et tu penses qu’il n’y a vraiment aucun lien entre nos luttes et le foot ? Laisse-nous t’expliquer comment on voit le truc…
L’année passée, le tournoi avait été organisé le jour d’ouverture de la Coupe du Monde.
C’était au Qatar, on s’en souvient bien. Ça puait ferme : les magouilles, le fric, les cadavres… On avait quand même fini par bouffer le truc. En se bouchant un peu le nez certes, mais on avait tout mangé, sans perdre une miette. Tu te souviens peut-être, il nous avait quand même fallu un moment d’hésitation collective avant de nous mettre devant la télé. Histoire de nous donner bonne conscience. L’exorcisation avait passé sur les ondes – des documentaires sur les conditions des travailleurs, des révélations sur les pattes graissées autour du choix du Qatar, des chiffres quantifiant l’absurdité écologique du tournoi et même des regrets en live des journalistes sportifs : on ne voudrait pas être là, on n’a pas le même enthousiasme que lors des autres éditions, on fait ça pour vous. Pourtant les visages contrits avaient vite laissé place à d’autres émotions… C’est que, toujours, en bon pays néo-libéral, c’est l’audimat qui fait la loi. Sur les ondes comme ailleurs. Et audimat il y avait eu.
Bien sûr, nous n’oublions pas les voix argumentant que le Qatar, c’était en fait comme l’Allemagne, comme la France, comme toutes les Coupes du Monde. Ces voix étaient importantes – elles disaient que finalement, si le Qatar nous faisait tiquer, c’était parce qu’on était encore bien pétri d’un inconscient raciste. Ces voix avaient sans doute raison. Toutes les Coupes du Monde suintent l’argent – et elles transpirent de plus en plus.
Reste qu’avec le Qatar, une chose s’est révélée, claire comme de l’eau de roche. Parce qu’il a besoin de frissons, d’étoiles, de désirs, de récits épiques, le capitalisme a besoin du foot. Deux raisons principales : d’abord parce qu’investir dans le Vivant, ça marche particulièrement bien – les individus ont plus besoin de rêves que d’un nouveau grille-pain. Ensuite, et surtout, parce qu’il a besoin d’un cache-misère, ou, dirons-nous moins poétiquement, d’un cache-merde – par exemple les corps des travailleurs qu’il éreinte et qu’il tue, l’environnement qu’il saccage et pollue. C’est ça qui était si clair avec le Qatar, la vieille recette : du pain et des jeux pour divertir, détourner. En même temps nous savions, en même temps nous en avions rien à ficher.
Le capitalisme n’est pas qu’une machine à fric doublée d’une industrie de destruction. Il nous faut absolument le considérer également comme un réseau de désirs, de besoins qu’il crée… et qu’il fait naître directement dans nos têtes, dans nos ventres, dans nos mains. C’est pourquoi c’est si important de rivaliser avec lui sur ce terrain-là – de saboter l’une ou l’autre des canalisations qui nous relient directement à lui. De faire dérailler notre joie, nos désirs, vers d’autres buts que ceux auxquels nous avons été habitués, vers lesquels il nous aspire. Le 22 novembre, nous n’étions pas devant la télé à regarder le match, mais nous jouions joyeusement ensemble dans une organisation largement démonétisée. Nous l’avons battu. C’était un jour de victoire. Tentons d’en faire autant le 15 octobre !