Alors qu’il devient de plus en plus difficile de rendre invisible le soutien massif de la rue au peuple palestinien, et qu’en conséquence la pression internationale s’accroît sur Israël, un grand rassemblement a eu lieu mercredi passé. Réunissant des militant.es du collectif Solidarité Palestine Fribourg, des étudiant.es mobilisé.es à PER21, un grand nombre de personnes ayant des racines arabes ou des liens affectifs avec la Palestine, des militan.tes de la gauche décoloniale et toutes sortes de sympathisant.es ou d’indigné.es, le rassemblement a démontré une nouvelle fois que la question palestinienne rassemble large à Fribourg et qu’une grande partie de la société se sent concernée par les atrocités commises à Gaza. Retour sur ces derniers jours, sur ce rassemblement et sur les prochaines échéances.
Une troisième semaine de mobilisation à l’UNIFR
La semaine passée, la mobilisation des étudiant.es pour la Palestine s’est poursuivie à PER21 (vous trouverez un résumé de la première semaine et de la deuxième semaine). La CEP (la Coordination Estudiantine pour la Palestine) avait prévu un programme plus léger, centré sur les journées de mardi et de mercredi. Un Palestinien avait fait le déplacement à PER21, mardi après-midi, pour témoigner. Il avait préparé un power-point pour nous raconter l’histoire de sa grand-mère, déplacée lors de la Nakba en 1948, sa certitude, qu’elle partage avec les autres Palestinien.nes, qu’un jour ou l’autre, ils et elles pourront retrouver leurs terres, mais aussi les enfants qu’elle a perdus au combat, ou dans une prison israélienne. La dernière diapositive terminée, on lui pose des questions sur la Palestine, le quotidien là-bas, la situation des étudiant.es… Pour chaque question, il raconte une histoire, une histoire qui nous est étrangère, irréelle, à un point où on la croirait tirée d’un recueil de dystopies, de fictions absurdes – une histoire qui est pourtant vraie. Ses mots ont résonné jusqu’au début de la nuit : après le souper, pris en commun, un moment de commémoration a lieu, nous allumons des bougies, en silence. Moment d’une intensité imprévue, où l’enjeu de notre mobilisation prend momentanément un sens univoque : être simplement en empathie, en résonance avec les actes totalement inhumains qui sont commis là-bas. Le mercredi, une projection de films palestiniens est prévue dans l’après-midi, après laquelle il est prévu de rejoindre le rassemblement à Georges-Python à 18h.
All eyes on Rafah : le rassemblement du 29 mai
All eyes on Rafah : c’est le mot d’ordre qui s’est propagé dans tout le monde la semaine passée, alors que l’armée israélienne était aux portes de Rafah, ville du Sud de Gaza où des centaines de millier de Gazaouis ont fui. Israël venait alors de bombarder un camp de réfugié.es, tuant des dizaines de civil.es Palestinien.nes, et occasionnant des images horribles qui ont fait réagir massivement les réseaux sociaux. All eyes on Rafah : le slogan est irréprochable. Il décrit un fait voir un avertissement qu’on pourrait commenter ainsi : on a tous.tes les yeux rivés sur Rafah, Israël on te regarde, les actions que tu y commets sont consignées, et elles ne seront pas sans conséquence. Message qui fait d’autant plus sens après que la Cour pénale internationale a annoncé son intention de délivrer un mandat d’arrêt contre le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou (c’était le 20 mai). Mais il y a aussi quelque chose d’autre dans ce slogan : quelque chose qui relève moins de l’avertissement que de la demande, de la prière. All eyes on Rafah : portons notre attention là-bas, nous autres occidentaux qui avons trop longtemps soutenu silencieusement Israël. Regardons (enfin) ce qu’il s’y passe.
A Fribourg, c’est le collectif Solidarité Palestine Fribourg qui a organisé en quelques jours le rassemblement provoqué par cette onde de choc All eyes on Rafah. Le rassemblement était donc prévu mercredi à Georges-Python pour 18h : avec quelques prises de parole, de la musique, des craies – armes du pauvre.
Qui y était est sans doute passé par un étrange cocktail d’émotions, provoquées par la situation, son absurdité, son inhumanité et notre impuissance; déclenchées par des prises de parole écrites et préparées puis spontanées – les unes rappelant les faits, tentant de mettre quelques mots sur l’indicible, les autres partant de quelques situations du quotidien, insupportables – comme cette histoire d’un père ayant perdu tous les membres de sa famille, ne lui restant plus qu’une fille qui se trouve entre la vie et la mort, grièvement blessée par une balle, et dont il souhaite qu’elle s’en aille, elle aussi, en martyre…
Et puis il y avait aussi de la joie. De voir tous ces enfants qui coloraient le bitume de Georges-Python à la craie. D’être si nombreux et nombreuses, au soleil, de partager un verre de thé, de partager deux mots avec un.e inconnu.e, de se retrouver en solidarité et de se réconforter, malgré l’horreur.
Trois collectifs ont pris la parole : le collectif organisateur, Solidarité Palestine ; la Coordination Estudiantine pour la Palestine (CEP) ; et la Grève féministe dont on retranscrit le discours ci-dessous (à noter que dans le cortège de la Grève féministe ce 14 juin, il y aura une banderole en soutien à la Palestine) :
Prise de parole Collectif Grève féministe Fribourg
Que reste-t-il de notre humanité après tout ça?” C’est l’autrice Nesrine Slaoui qui écrivait cette phrase hier. Nous sommes ici aujourd’hui parce que la question se pose. Que reste-t-il de notre humanité, après avoir vu depuis bientôt 7 mois la population de Gaza être détruite, exterminée volontairement par l’État colonial d’Israël? Que reste-t-il de notre humanité, après avoir vu des soldats israéliens poser en souriant à côté de tags qui disent “Nakba 2024” dans les ruines de Gaza? Que reste-t-il de notre humanité, après avoir vu des femmes palestiniennes mourir de faim, ou donner naissance dans des conditions inimaginables? Que reste-t-il de notre humanité, après avoir vu à Rafah des tentes brûler, des Palestiniens et des Palestiniennes brûler, des êtres humains brûler? Que reste-t-il de notre humanité, après avoir vu à plus d’une reprise le corps d’un enfant décapité, dans les bras d’un père dont le désespoir ne pourra jamais guérir? Que reste-t-il de notre humanité, lorsque l’on sait que celles et ceux qui perpètrent le génocide du peuple palestinien à Gaza évoquent les pires horreurs de l’histoire pour justifier d’en commettre eux-mêmes?
Face à tout ça, en Suisse, dans les pays du Nord Global, le silence. Un silence qui nous fait penser qu’on est sourdes, qui nous fait penser que les choses ne pourront jamais changer, qui nous fait penser qu’on est seules. Mais le silence des gouvernements, le silence des dominants ne suffit pas à étouffer les cris de notre résistance. Elle est là, l’humanité qu’Israël tente de nous enlever. Elle est là, cette humanité, ce soir, à Fribourg et dans toutes les autres villes du pays et du monde où des gens comme nous se rassemblent, pour s’opposer au génocide en Palestine. Elle est là, dans nos yeux, dans nos cœurs, dans nos poings levés et surtout dans nos voix.
C’est par humanité que ce soir, nous exigeons un cessez-le-feu permanent à Gaza, que nous exigeons la fin de l’État d’apartheid et de la colonisation israélienne en Palestine, que nous exigeons que justice soit rendue pour les victimes des violences sexuelles utilisées comme crime de guerre.
On ne nous enlèvera pas notre humanité. La mobilisation de ce soir le montre, nous sommes ensemble face à l’horreur des crimes coloniaux d’Israël. Nous sommes et resterons féministes et antisionistes, féministes et antiracistes, féministes contre l’islamophobie et contre l’antisémitisme, féministes et solidaires avec le peuple palestinien. Le vendredi 14 juin, lors de la Grève féministe, nous serons sur cette place et dans les rues de Fribourg pour soutenir la Palestine et former un grand bloc contre le génocide à Gaza dans notre manifestation. Rejoignez-nous, avec vos keffieh et vos drapeaux palestiniens !
Free Palestine, Free Gaza, Free Rafah !
Suite des mobilisations
Plusieurs dates ont déjà été annoncées pour la suite. Préparant déjà la prochaine manifestation dans Fribourg (dont la date n’est pas encore fixée à ce jour), le collectif Solidarité Palestine Fribourg prévoit parallèlement une après-midi centrée sur le film Aisheen (qui aura lieu le 9 juin et non le 16, comme l’info a précédemment circulé).
Du côté des étudiants et de PER21, cette semaine (du 3 au 7 juin) devrait être leur quatrième et dernière semaine de mobilisation du semestre. Tout laisse à penser en effet que les cours étant finis, le mouvement fasse une pause cet été – pour reprendre en septembre, selon les circonstances à Gaza. Une dernière AG devra décider, en fin de semaine, de la suite du mouvement. Pour terminer en beauté, 3 discussion/atelier/conférence sont prévus, ainsi qu’un concert jeudi soir. A noter qu’une bouffe pop’ est prévue pour mercredi et jeudi soir. Voici le lien telegram pour rester informé.e des derniers détails : https://t.me/CEPUNiFR.