Partir du cas concret, régional de la construction d’une route pour réfléchir plus sérieusement sur la question de la mobilité de demain ? C’est ce qui sera proposé samedi prochain 9 novembre lors d’une balade le long du tracé prévu par le projet de la route Marly-Matran, organisée avec le soutien des Grondements des Terres et l’association NON à la route Marly-Matran créée il y a plusieurs années. Au programme : deux heures de marche de Grangeneuve à Marly ponctuée par les interventions de scientifiques, d’habitant.es et de paysan.nes.
Présentée par les autorités comme un « maillon essentiel de la mobilité du centre cantonal », la future route de 3,5 km doit permettre un accès direct à la jonction autoroutière de Matran pour les automobilistes venant de Marly et vise à décharger le trafic passant par Fribourg. Elle doit en outre favoriser le développement d’une région qui a vu les capitaux affluer, tant publics (en 2017 l’Etat acquérait le Pré aux Moines) que privés (le Marly Innovation Center (MIC) et à notre cher, vénéré et tout-puissant promoteur immobilier Damien Piller (CVTPPIDP)).
Les arguments paraissent irréductibles, comme le béton, coulés dans de beaux coffrages estampillés « progrès ». Car on voit déjà comment le débat va être polarisé : d’un côté le bon sens, le progrès, la croissance et donc la circulation (plus rapide, plus fluide, plus agréable) et de l’autre côté les réfractaires, les mi-bobos mi-Amish (classe qui se constitue par la non-nécessité de prendre sa voiture pour aller au taf), l’idéalisme naïf.
Il y a quelques semaines le Grand Conseil votait d’ailleurs « sans protester » (dixit notre journal favori, La Liberté) un crédit additionnel de 3,45 millions de francs pour réaliser des études supplémentaires et ficeler mieux le projet. S’agissait-il de mieux appréhender le sujet en vue de la votation qui devra passer devant la population ? Certainement pas : si on entend ici et là des regrets de ne pas avoir sélectionné l’alternative qui consistait à améliorer la route existante, le projet est dorénavant trop avancé pour faire demi-tour.
Questionner notre rapport aux transports ? C’est ce qu’on attendrait de paroles politiques responsables alors que l’actualité n’en finit plus de brûler, alors que l’ONU vient de communiquer que la concentration moyenne de gaz à effet de serre avait atteint des records en 2023 – nouvelle qui aura tenu quelques heures dans des fils d’actualité des médias où le nombre de clics généré fait loi, vite remplacée par les images apocalyptiques des inondations en Espagne (lesquelles, stupéfiantes, captent l’attention un peu mieux).
Questionner notre rapport aux transports ? Mais n’est-ce pas là une thématique souvent abordée ? Ne vote-t-on pas d’ailleurs bientôt sur l’élargissement de six projets autoroutiers ? N’a-t-on pas lu ces derniers mois plusieurs prises de paroles venant du directeur des CFF appelant les politicien.nes à affiner une véritable vision de long terme à propos du rail (l’avenir résidant selon lui dans la suppression de petites gares, pour augmenter et fluidifier le trafic entre les noeuds importants et de prévoir d’autres moyens que le train pour amener les personnes vers ces grosses gares) ? Et les 30km/h ? Et les pistes cyclables ? D’ailleurs les mots de « mobilité douce » et de « transport public » ne sont-ils pas sur toutes les lèvres ? Sans doute, sans doute, sans doute – mais c’est justement là comme souvent un signe de fraude. Car il y a mobilité douce et mobilité douce, comme il y a transport public et transport public.
Questionner notre rapport aux transports ? En fait c’est d’abord poser le problème différemment, partir du réel – c’est-à-dire de nos besoins et de notre impact sur le Vivant. Et de composer ensuite avec toute cette complexité.
Tout le contraire de ce qu’offre le discours politique aujourd’hui, partant du même indécrottable point de départ : le citoyen est consommateur, les transports publics sont une offre. Il faut adapter celle-ci à celui-là. Et la politique d’être réduite à une sinistre affaire de planification, d’adaptation ingénieuse, et d’appels d’offre. Planification accompagnée, parfois, souvent, d’une tentative voilée de changer les comportements en usant de quelques trucs et astuces (le fameux nudge et ses dérivés). Peut-être pour donner le sentiment aux politiques « de gauche » qu’elles ne font pas que d’accompagner, soutenir, nourrir la machine capitaliste. Abandonnant dans tous les cas l’idée qu’on pourrait discuter ensemble de ce qu’on a besoin, de ce que l’on veut. Roulez, circulez, pédalez : tout est bien géré.
C’est dans ce contexte qu’aura lieu le 9 novembre la Balade qui déroute – pour « ressentir les lieux, écouter les différentes voix qui s’opposent au projet et questionner notre rapport aux transports, au béton et au Vivant. »
Pour participer à la balade, deux options sont proposées :
- Avec la marche : rendez-vous à 12h30 à la gare de Fribourg ( bus 336 jusqu’à l’arrêt « Posieux, Froideville »). La balade débutera à 13h. Elle sera accessible pour tous les niveaux (environ 2h de marche).
- Option sans la marche : rendez-vous à 15h45 au MIC à Marly (à la buvette Cibachrome – Route de l’Ancienne Papeterie 170) pour une présentation générale et une discussion sur les prochaines étapes. Un goûter sera proposé.
Pour annoncer sa présence, il est conseillé de s’inscrire ici : balademarlymatran@proton.me.


merci mille fois pour le travail contre cette route.
claude wittmann