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PSEM 2.0 : à nouveau disponible à la consultation mais toujours aussi peu convaincant

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Mi-juin 2024, le Conseil d’Etat mettait en consultation un projet de plan sectoriel pour l’exploitation des matériaux (PSEM), suscitant plus de 680 oppositions – une volée de bois vert pour le conseiller d’Etat Jean-François Steiert et son département. Après avoir lu et considéré les oppositions, le Canton vient de remettre le PSEM sur la table, légèrement modifié. On l’appellera PSEM 2.0. Est-ce que PSEM 2.0 vaut mieux que PSEM 1.0 ? Pas tellement selon le Groupement citoyen pour un PSEM durable et l’Assquavie, deux collectifs citoyens qui trouvent que le Canton « ne répond pas à la plupart des questions de fond soulevées depuis 2024 ».


Sur la forme d’abord, force est de constater que la Direction du développement territorial, des infrastructures, de la mobilité et de l’environnement (DIME) a procédé d’une étrange manière. Si, dans un communiqué de presse publié mi-juin, elle liste les éléments du PSEM qu’elle modifie et ceux qu’elle garde malgré les oppositions, elle ne rend pas public l’entièreté du PSEM 2.0, qu’elle transfère uniquement aux communes. D’ailleurs dans son communiqué de presse, la DIME indique que les communes peuvent encore se positionner et rendre réponse – une nouvelle phase de consultation s’ouvre donc, jusque fin août. Mais les individus peuvent-ils se positionner ? Tout semble indiquer le contraire. Et la question n’est pas anodine puisque l’opposition au PSEM 1.0 est d’abord un mouvement de citoyen·nes, même si elle a été relayée par certaines autorités communales.

C’est grâce au travail du groupement citoyen pour un PSEM durable que les choses s’éclaircissent. D’abord le collectif interpelle directement la DIME et reçoit une réponse (enfin) claire : « toutes les autres personnes morales ou physiques peuvent bien sûr également s’exprimer sur les modifications du PSEM qui font suite à la première consultation, par le biais de leur commune ou directement auprès du SeCA. » Ensuite il demande à des communes de lui transmettre le dossier complet du PSEM 2.0, ce que feront plusieurs d’entre elles – dossier qui est consultable sur le site de l’ASSQUAVIE. Donc : c’est une consultation publique, tout le monde peut s’exprimer, et tout le monde a désormais accès aux informations. Ouf.

Le comportement opaque et peu démocratique de la DIME est frappant. Peut-être un symptôme de plus d’un pouvoir politique qui aimerait bien faire les choses comme il faut – et pour qui les processus de consultation et de participation citoyennes relèvent plus de l’obstacle et du temps perdu (Oscar Coursin en parlait d’ailleurs dans Sous les Pavés ici).

« Quelques modifications cosmétiques, mais un projet qui repose sur du sable »

Sur le fond maintenant, que penser de PSEM 2.0 ? Un membre du Groupement citoyen pour un PSEM durable nous a résumé son analyse par une formule « Quelques modifications cosmétiques, mais un projet qui repose sur du sable».

Côté « cosmétique », il y a d’abord un léger rééquilibrage dans le conflit d’intérêts qui oppose exploitants et habitant.es. Une des questions pour elles et eux est la distance que doivent respecter les graviéristes entre les habitations et leur trou-à-fric. PSEM 2.0 impose une distance minimum de 100m – quand PSEM 1.0 prévoyait une distance encore plus faible. Insuffisant pourtant pour les deux collectifs citoyens qui ne désarment pas et réclament une distance d’exclusion de 200m.

Concernant les secteurs prioritaires, la consultation de PSEM 1.0 a donné lieu à des changements d’affectation, qui satisferont sans doute certaines communes. Bien incapables au Colvert de juger si un terrain est plus propice qu’un autre pour servir de future gravière, nous ne commenterons pas les changements effectués par la DIME qui a enlevé tel ou tel secteur prioritaire pour en rajouter d’autres (en l’occurence 4 : « Le Marais » à La Roche, « Pra de Neirivue » à Grandvillard, « Le Chaney – Forêt » au Gibloux et « Guma »). On renvoie aux arguments du Groupement citoyen pour un PSEM durable qui livre son analyse, point par point, des propositions d’adaptation en consultation (ici).

Ce qui aurait pu être considéré comme une petite victoire, c’est que tous ces changements impliquent une baisse importante des volumes exploitables estimés. En diminuant le nombre de secteurs prioritaires et en réduisant leur périmètre (du fait de la proximité d’habitations par exemple), ces volumes exploitables seraient passés de 36,7 mio de m3 à 25,9 mio de m3 (sur 25 ans). C’est déjà ça de pris, non ?

C’est là que le projet « repose sur du sable ». D’une part, le PSEM (1.0 comme 2.0) comporterait des erreurs d’estimation qui remettent profondément en cause ces chiffres. Un expert, fin connaisseur de la géologie cantonale, cite l’exemple de la forêt de Chaney, nouvellement admise comme secteur prioritaire.  Le PSEM 2.0 estime l’épaisseur des matériaux exploitables à 20 m, alors que selon lui, elle serait d’au moins 40 m. Il regrette un travail d’estimation des ressources bâclé, du fait d’une non prise en compte des études les plus récentes sur le sous-sol fribourgeois. La baisse des volumes exploitables n’est ainsi pas significative, puisque l’ensemble des calculs serait à revoir.

L’autre élément faisant reposer ce projet sur du sable » (plutôt que sur du béton!), c’est l’absence de vision à long-terme et l’incohérence d’un plan qui se donne pour but fondamental de « préserver des ressources non-renouvelables. » Comme on pouvait s’y attendre, PSEM 2.0 pas plus que PSEM 1, ne prend en compte une estimation sérieuse et réaliste des besoins en matériaux ni le dérèglement climatique avancé et la nécessité de revoir notre manière de construire (rappelons que le béton armé, pour lequel on ouvre des gravières, est responsable à 9 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre).

Un cas est particulièrement saisissant : celui du conflit entre l’eau potable et le gravier. Environ 30% des ressources en gravier sont situées sur des aires d’alimentation des grands captages stratégiques du canton (pour mieux comprendre pourquoi le gravier est souvent situé au même endroit que nos réserves en eau potable, voir cet article). Par principe de précaution, on aurait pu s’attendre à ce que la DIME exclue ces secteurs essentiels – d’une part il semble que le gravier soit d’importance moindre que notre eau potable, et d’autre part, le sous-sol du canton est suffisamment riche en gravier pour qu’on l’on puisse s’éviter de creuser dans ces aires d’alimentation. Mais pas plus le PSEM 1.0 que le PSEM 2.0 ne vont dans ce sens : les exploitants pourront continuer à creuser et à rentabiliser leur investissement.

Sur ce sujet de l’eau potable, on est curieux de savoir si des communes monteront au créneau. Une commune comme Villars-sur-Glâne par exemple satisfait plus de la moitié de ses besoins en eau potable avec le seul captage de la Tuffière (chiffres 2024), un aquifère dont l’aire d’alimentation n’a pas fini d’être creusé et exploité par les graviéristes.

Envoyer sa prise de position

S’il fallait s’opposer au PSEM 1.0, il faut aussi s’opposer au PSEM 2.0 !

L’ASSQUAVIE a publié sur son site la démarche proposée pour les individus (ci-dessous). En résumé :

1) Soit vous remplissez le document ici soit vous en rédigez un avec vos propres réflexions (c’est mieux)

2) Vous l’envoyez jusqu’au 29 août soit par mail à : dime@fr.ch avec copie à l’adresse email de votre secrétariat ou conseil communal) ou par courrier postal à la DIME (avec copie à votre secrétariat ou conseil communal)

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