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Le choix d’ être anti-impérialiste

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Le 22 août, une rencontre a eu lieu à BlueFactory entre différents groupes militants. Voici l’intervention d’Andrea Duffour, prononcée au nom du collectif de solidarité suisse-cuba. Si nous ne partageons pas toutes les opinions avancées, ce point de vue sur Cuba nous a paru avoir toutefois sa place ici.


Bonjour à vous tous. J’ai trois idées à partager aujourd’hui :

La 1ère est que nous avons tous un ennemi commun qui s’appelle capitalisme et l’impérialisme et de le mettre en contexte avec nos collectifs différents, la 2ème c’est de vous présenter le lien qui existe entre Cuba et notre lutte commune, et la dernière est de nous poser la question comment s’y prendre pour ensemble pouvoir créer des alternatives, beaucoup d’alternatives, à notre système avec ses  abus et ses injustices qui ressemblent de plus en plus à une dictature rampante..( n’était-il pas déjà bien agonisant avant que ce virus arrive ? )

1 La plupart d’entre nous sont engagé.e.s dans plusieurs collectifs et c’est tout à fait logique, vu que notre ennemi commun cause notamment,  pour faire très court:

  • Des migrations économiques , l’esclavage moderne , du racisme
  • De l’exploitation de la nature, causant la destruction de notre espace vital et les migrations climatiques
  • Des relations malsaines basées sur la domination à tous les niveaux

Vous aurez donc compris où je veux en venir : Aujourd’hui, la séparation des thèmes abordés en 4 panels est purement artificielle, à un moment donné, il faut faire un choix : Capitaliste ou anticapitaliste ? impérialiste ou anti-impérialiste ? J’ai fait le mien. Je ne connais pas de capitalisme qui soit humain, ni de capitalisme écologique d’ailleurs.

Les impérialistes, quant à eux, s’attaquent à tout pays qui n’entre pas dans leur folie idéologique et qui ne suit pas leurs intérêts capitalistes et hégémoniques.- et ceci principalement en 4 phases :

Le pays convoité est d’abord déstabilisé, il suffit pour cela de créer ou de soutenir depuis l’extérieur une petite opposition interne qu’on gonfle et montre en boucle dans toutes les chaines sans jamais parler de la grande majorité du peuple qui soutient son gouvernement légitimement élu.

Si cela ne suffit pas, l’impérialisme passe à la phase suivante, en décrétant des « sanctions », des blocus, pour affamer le peuple et pour le pousser à la révolte. Si on n’arrive toujours pas à mettre la main sur le pays convoité, c’est le coup d’État ou l’assassinat du « dictateur » qui dérange (plus de 600 tentatives rien que pour Fidel Castro) ou carrément une intervention militaire.

Le principe de l’impérialisme est : divide et impera, diviser pour régner, et prenons juste pour exemple la balcanisation des pays arabes qui a commencé au début du siècle dernier par un Anglais et un Français qui ont divisé le Proche Orient entre eux avec une carte et une règle (Sykes-Piccot Agreement), ensuite les USA qui ont armé l’Irak et l’Iran simultanément pour qu’ils se combattent entre eux durant 8 ans, et plus récemment les « révolutions coloriées » orchestrées depuis Washington et appelées « printemps arabes » par les USA et leurs alliés. (Attention donc de ne pas reprendre leur vocabulaire !!)

(Ce principe de diviser pour régner fonctionne partout, les Suisses contre les étrangers, à l’intérieur de notre pays, sur notre place de travail, les travailleurs entre eux, dans nos luttes de « gauche », entre les peuples.

Il est temps que nous nous rendions compte, que tous les peuples du monde ont les mêmes intérêts, c’est juste de vivre tous dignement et que nous devons les défendre ensemble.

Nous devons connaître ces mécanismes pour pouvoir mener une action locale efficace, la Suisse s’est faite complice de ces mécanismes, avec sa neutralité, son hypocrisie ou son silence intéressé (en tant que pays nous sommes donc plutôt du coté des bourreaux)

2 Moi je viens donc d’un collectif qui s’appelle « cuba-si » ! ce qui veut dire Cuba: oui ! Qu’est-ce que ce petit pays lointain a à faire avec la journée d’aujourd’hui ? Pour moi, tout ! Les Cubains ont compris ces mécanismes et ne se sont jamais laissé diviser, ni entre eux, ni avec les autres peuples du monde. Ils n’ont d’ailleurs jamais confondu le gouvernement d’un pays donné avec son peuple.

Pour avoir un peuple éveillé et politiquement instruit, il faut une volonté politique dans ce sens. (Quelle dictature aurait intérêt à avoir un peuple instruit et critique ?).

Depuis notre naissance, on nous a lavé le cerveau avec de la propagande contre tout peuple qui a tenté un autre modèle que le capitalisme ou qui refuse juste de servir aux intérêts de l’empire. Les USA budgètent chaque année des dizaines de millions de dollars, rien que pour produire de la propagande contre Cuba.

Ces modèles alternatives font trop peur, alors il faut les diffamer, les « sanctionner » et surtout faire tomber leur « régime » à tout prix, car ils seraient la preuve vivante que d’autres choix politiques sont possibles.

Revenons donc à l’exemple de Cuba et ses valeurs « non métallique » :

Nous savons tous que ce n’est pas « normal » ou inévitable que nous vivions dans un monde qui peut produire de la nourriture pour 12 milliards de personnes et qui laisse mourir, toutes les 5 secondes, un enfant pour cause de sous-alimentation.

Ibrahim à Cuba a donné sa définition d’une communiste comme suit: « Pour moi, une réactionnaire, c’est quelqu’un qui sait que 10.000 enfants meurent de faim chaque jour et qui trouve que c’est dans l’ordre naturel des choses. Un conservateur, il le sait et il pense qu’on n’y peut rien –-  Une progressiste, elle trouve que c’est injuste. Une communiste, elle est indignée et elle est prête à faire pour eux ce qu’elle ferait pour ses propres enfants ».

(Qui d’entre vous savait que Cuba a par exemple soigné entre 1989 et 2011 24 000 enfants d’Ukraine gratuitement des séquelles de l’accident nucléaire de Tchernobyl (et ceci indépendamment du fait que l’Ukraine avait voté, juste avec les USA et Israël, contre l’abolition du blocus contre Cuba) : « Ce n’est pas la faute des enfants ! », répond la médecin au journaliste qui lui fait remarquer ce fait). Pourquoi je vous raconte tout cela ? Parce qu’il n’y a une façon de penser, d’autres valeurs derrière tout cela: Une philosophie humanitaire, internationaliste et solidaire.

En 1979, Fidel Castro disait dans son discours à l’ONU :  « On parle beaucoup des droits humains mais on doit aussi parler des droits de l’humanité… ». J’ai eu la chance de pouvoir assister au premier forum écologique à Rio en 1992 et ce n’est que Fidel qui tenait un discours visionnaire et révolutionnaire tout en dénonçant l’hypocrisie du monde par rapport au climat. Cuba a par la suite gagné la distinction du 1er pays du monde pour un développement durable, avez-vous pu lire ça quelque part ?

À Cuba, plus de la moitié des dirigeantes politiques sont des femmes, les crèches sont gratuites et chaque enfant y a une place, les congés de maternité/paternité à choix sont de 9 mois et ils projettent de les prolonger à 12 mois. A Cuba, Black Lives Matter depuis 1959, mais surtout sa richesse consiste en un peuple culte, avec des valeurs, avec une éthique, avec une dignité. Alors il faut les punir.

Mais la Cuba unie et politisée a non seulement résisté aux attaques impérialistes avec dignité mais a continué de pratiquer ses valeurs de partage, en envoyant 400 000 coopérants de la santé dans le monde entier, par pure solidarité internationale. Alors, il faut les diffamer. Durant le Covid, l’Italie, la France et Andorre font partie des bénéficiaires en Europe (Même le Tessin à travers notre association avait demandé de l’aide à Cuba. )

Cuba, ensemble avec la Chine, la Russie et le Venezuela combattent discrètement et efficacement le virus, (et Cuba espère pouvoir présenter son vaccin « Soverania » en février 2021) pendant qu’aux USA et au Brésil, on laisse mourir le peuple et des millions ont perdu leur travail, et les milliardaires augmentent leur fortune (aux USA au moins de 637 milliards durant la pandémie).

3 Comment s’y prendre ?

Cuba peut nous servir comme exemple et stimulus. La première leçon est bien sûr de rester unis. Unis non seulement entre nous, mais aussi avec tous les peuples du monde. Pour eux le Che est toujours vivant avec son « Si tu trembles d’indignation pour la moindre injustice dans le moindre recoin de ce  monde, là, tu est mon camarade ». Mais pas de mystification, donc, pas d’imitations ! Vas-y voir sur place – pas en tant que touriste, mais en tant que brigadiste, c’est en travaillant ensemble qu’on apprend à connaître un pays et son peuple.

Mais ensuite on a urgemment besoin d’instruments de lutte authentiques et adaptés à nos conditions géopolitiques et sociopolitiques pour agir localement, ici, en Suisse et en Europe.

Nous sommes tous responsables si nous n’agissons pas tout de suite, en dénonçant et en nous battant contre l’opportunisme et l’incohérence politique et idéologique de l’actuelle « gauche » en Suisse et en Europe.

Tout d’abord, nous devons continuer sans cesse à dénoncer avec détermination les sanctions illégales contre les peuples de Cuba, le Venezuela, le Nicaragua, la RPDC de Corée, la Syrie, l’Iran, le Yémen, le Soudan, le Zimbabwe, la Chine, la Russie…(39 au total, tous illégales). Et sans oublier, bien sûr, l’ endroit dans le monde où les gens ont été confinés pendant des décennies et le resteront même après la pandémie : la Palestine. 

Ces « sanctions », et blocus, malgré la situation d’urgence mondiale, non seulement ne cessent pas, mais s’aggravent, et la Suisse, totalement assujettie au dictat de l’empire, y participe activement. Ils sont appliqués par tous les alliés de l’empire. (- nous sommes d’ailleurs à la recherche d’un avocat qui a le courage d’accuser le gouvernement suisse pour sa participation active à ces blocus génocidaires. (Rappelez-vous que les entreprises sur sol suisse ont refusé de livrer des respirateurs à Cuba, que toutes nos banques et maintenant aussi Postfinance refusent de verser de l’argent d’un compte à l’autre si le nom Cuba y figure (vous pouvez même pas payer un concert de musique à Zurich par ticketcorner, si le mot Cuba y figure…. )

Ensuite, nous devons urgemment démonter les obstacles et les résistances sectaires de chacun de nos groupuscules et les remplacer par une unité politique réelle, sans protagonistes petit-bourgeois ou gauchistes. Il faut avoir le courage de dénoncer sans cesse le monstre médiatique qui nous paralyse le bon sens et l’imagination et qui diffame, par peur évidemment, des modèles alternatifs, seulement parce qu’ils se refusent de s’agenouiller devant la finance mondiale.

Et encore une fois : pas de mythes, aucun pays représente la perfection, aucun pays est un modèle à suivre. Ce qu’il faut suivre à tout prix, c’est la vérité historique et l’unité de tous les anti-impérialistes du monde. Pas d’ingérences dans les affaires internes d’autres pays, mais recherche de points communs pour battre l’ennemi de l’humanité : le capitalisme dans sa forme avancé, prévaricatrice et génocidaire.

Pas de retour aux temps pré-pandémiques avec cette hégémonie culturelle, mais créer ensemble un monde de solidarité et de justice sociale – comme l’enseignent les médecins et les infirmières cubains et converger nos luttes pour ne plus jamais nous laisser diviser.

Nous n’avons plus le temps de tergiverser. La lutte doit être inconditionnelle, sans compromis, une lutte comme le fait depuis toujours et d’une manière cohérente et sans vacillations la Révolution Cubaine avec sa politique extérieure non interventionniste, pragmatique, son peuple souverain, digne, uni  et authentiquement anti-impérialiste.

Andrea Duffour

Membre de Cuba-Si

Contact : andreaduffour@gmail.com

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