Salut à toi la photocopieuse
Ouais je fais un hors série dès le deuxième épisode, pi quoi ? Je trouve que ça fait pro moi. Comme le font les magazines en papier glacé qu’on lit à la plage, sous les pavés. Et donc pour ce HS #1, je vais te parler des infokiosques. Infokiosk, infokiosque, on s’en fout de l’orthograf. Alley on y va !
Si tu t’es déjà perdu dans les couloirs d’un squat, t’as sûrement déjà vu une étagère pas très droite où étaient soigneusement lancé des brochures en noir et blanc qui te donnent pas vraiment envie de les ouvrir.
Et bien non, c’est pas juste un vide-poche de gaucho qui rentre de manif ;
Cette petite étagère est bien plus politisée qu’Alain Berset et son groupe d’affinité.

Un infokiosque, c’est essentiellement deux choses :
Un meuble, souvent une table moche.
Des feuilles imprimées et pliées, souvent en noir et blanc.
Si tu regardes de plus près, tu verras que les brochures ont souvent des titres comme :
Les flics sont tous des bâtards, Comment planter des patates sur un terrain de golf ?, Guide pratique d’autoréduction chez Globus, Cuisiner la Saint-Martin végane, Le clitoris, c’est pas un pays, etc…
Bref t’as pigé, c’est de la lecture militante.
Anarchisme, Féminisme, Antifascisme, isme, isme… Tu commences à avoir mal au plot ? Tu veux une lecture plus légère ? Alors fouille un peu, tu trouveras sûrement quelques guides de jardinage, de cuisine ou de bricolage, pour te réapproprier les moyens de production et niquer (un peu) la société marchande.
La brochure. Un mot assez moche, qui fait penser à ce qui gave ta boîte aux lettres, malgré l’autocollant ACAB STOP PUB collé dessus. Mais quand on y pense, la brochure c’est un format magnifique.
C’est court, donc bien plus facile de se tremper rapidement les miches dans un sujet (souvent complexe), que de se lancer dans un livre de 400 pages.
C’est facile à faire, même si t’es pas méga douée avec une agrafeuse, tu devrais te démerder. On va regarder ça ensemble dans un autre chapitre t’inquiète.
C’est photocopiable, donc multipliable à volonté, et c’est ça qu’on veut avec les brochures. Qu’elles soient massivement partagées, parce qu’on oublie pas que c’est des idées qu’on imprime.
C’est presque gratuit, et c’est ça le plus important. Permettre à toutes et tous de bien réagir face aux keufs, de bien cuisiner le topinambour et de bien réparer sa chasse d’eau.


Un infokiosque, c’est avant tout une politique (dans le bon sens du terme). Celle de l’autogestion, de l’anticapitalisme, de l’anonymat. Revenons rapidement sur ces points-là, si tu le veux bien.
Autogestion : En gros, ça veut dire que y’a pas de chef·fe qui gère le truc, qui choisit la couleur des pieds de la table, ou, plus précisement, de ce qui se trouvera sur cette dernière. Chacun·e peut amener son grain de sel, sa lecture préférée, et l’ajouter à cet arsenal subversif. Ça veut aussi dire que les feuillets de faf ou les torchons partisans (genre un flyer des Jeunes Verts), on s’organise collectivement pour aller les revaloriser dans la bonne poubelle.
Anticapitalisme : Un mot tellement utilisé n’importe comment qu’il en a perdu toute sa substance. Ici c’est c’est pas compliqué, ça veut juste dire que le but d’un infokiosque n’est jamais de créer du profit. Jamais. Opinion > Pognon. C’est pareil pour les droits d’auteur. On trouvera souvent des papiers no-copyright, ou copyleft. Ça veut juste dire que le doc’ est modifiable, photocopiable, diffusable à souhait. Une manière de sortir de la sphère marchande et de pisser sur la propriété intellectuelle/privée.
Anonymat : Les brochures sont rarement signées. Pourquoi ? Parce que 1 : ça protège les écrivain·es quand iels expliquent comment forcer une serrure ou cramer une centrale nucléaire (ne faites pas ça) et 2 : Une signature n’amène pas grand-chose à un texte. Ok, ça évite de lire BHL sans le savoir, mais pour les brochures militantes, on s’en fout. Qui a écrit ce pamphlet antispéciste que tu viens de dénicher au kiosque ? Personne. Ou tout le monde ?

Je suis pas monstre doué pour parler thune. Alors je vais en profiter, comme on vient de le voir, pour copier/coller (wesh j’ai le droit je suis plus à l’école) un texte copyleft et anonyme pour vous présenter le merveilleux concept du prix libre.
Ctrl C, Ctrl V.
Problème.
Mettons qu’un infokiosque n’a pas encore trouvé les contacts et les techniques pour se procurer gratuitement papier, encre, machines à imprimer. Il veut quand même répandre des brochures alors il va les photocopier à la boutique du coin. Mettons que la brochure sur les catastrophes écologiques en Amérique trans-caucasienne coûte deux francs six sous à photocopier. L’infokiosque ne veut pas perdre de l’argent à diffuser cette publication, mais il ne veut pas non plus faire du profit dessus, parce qu’il n’aime pas les logiques marchandes. À combien la vend-il ?
Solutions.
À prix coûtant : 2 francs 6 sous.
Ou bien : à prix libre. Dans le prix libre, ce n’est pas le/la vendeur/euse (l’infokiosque) qui fixe le prix, mais l’acquéreur/euse, l’usager-e (le/la futur-e lectriceur de la brochure). La lectrice A, qui est dans une situation économique médiocre, ne donnera si elle le veut, et sans culpabilité, qu’un franc trois sous. Par contre le lecteur B, lui, qui roule plutôt sur l’or ou qui veut donner un coup de pouce à l’infokiosque, choisira peut-être de donner trois francs et neuf sous. On estime en effet, généralement, que le beaucoup d’argent donné par les lecteurices de type B compense le peu d’argent donné par les lecteurices de type A. L’idée est que l’argent, le prix, ne soit jamais un obstacle à l’accès aux brochures, que l’infokiosque puisse tourner en s’adaptant aux moyens des lecteurices. Tu donnes ce que tu peux, ce que tu veux. Une autre idée importante du prix libre, c’est qu’il demande au lecteur ou à la lectrice un moment de questionnement : combien vais-je donner ? Quels sont mes moyens ? Quels sont les dépenses de cet infokiosque, qui a aussi besoin de moi pour tourner ? À quel point puis-je ou ai-je envie de participer ? On s’éloigne ainsi d’une attitude purement consommatrice, où la somme qu’on donne (le prix fixe de deux francs six sous par exemple) est soit un geste rapide et machinal, soit un geste effectué à contre-cœur. On instille dans « l’achat » un peu plus de lucidité, d’autonomie, de démarche active. Le lectrice ou la lecteur sont des égales et des égaux, dignes de confiance, de compréhension et d’intelligence, et pas des client-e-s à pigeonner.
Bien sûr, un des objectifs restant l’abolition de l’argent, nous apprécions plus que tout la gratuité quand cela est possible. Nous pensons, à l’inverse du poncif qui veut que « si c’est gratuit, c’est que ça doit pas être génial », que si un texte est gratuit, c’est qu’il a l’intelligence de ne pas monnayer sa qualité.

Tu veux ajouter une brochure dans un infokiosque mais tu sais pas comment on utilise une agrafeuse ? Alors ce chapitre est fait pour toi ! (ne sois pas vexé·e par le ton infantilisant que je prends, c’est de l’humour)
Il te faut d’abord un contenu. Soit tu es inspiré·e et tu prends ta plume (et là, n’oublie pas que l’orthograf est une règle bourgeoise souvent utilisé pour discréditer les personnes qui mettent de l’énergie dans leurs idées et non dans leurs bulletins scolaires. Donc si tu écris mal comme oim, on s’en tape), soit tu as trouvé ton bonheur sur internet. Par exemple, tu peux aller voir sur infokiosque.net, quatre.zone ou zinzinzine.net. Sur ces sites, certaines brochures sont déjà mise en page pour l’impression en carnet. (et tant mieux, parce que c’est chiant à faire soi-même. Mais Gilles le punk t’explique ici comment le faire. Tu devrais réussir à le suivre…).
Fais quand même gaffe à ce que tu télécharges. Si c’est du contenu HOT, pense à utiliser Tor. Small Shits are watching you.
Si un texte te fait vibrer et qu’il n’est pas encore mise en page, hésite pas à le faire toi même, à l’arrache ou comme un pro. Et si tu parles allemand, italien ou islandais, tu peux aussi faire des traductions pour faire connaître des nouveaux textes dans les milieux francophones. C’est tellement important de faire voyager ces idées. (surtout quand on sait que personne ne va le faire à notre place.)
Une fois ton fichier prêt, te reste plus qu’à trouver une imprimante fonctionnelle à la déchet’, chez un·e camarade, ou d’aller imprimer tout ça chez Copyquick. Dans ce cas, fais juste gaffe à protéger ton identité, suivant ce que tu imprimes… (Ah et fais attention pour l’impression des carnets de bien chosir le mode recto-verso bord court, sinon l’imprimante va te chier n’importe quoi)
Une fois ta brochure imprimées, il va falloir les assembler. Et c’est là que tu vas devoir mettre la main à la page.
Méthode 1 : Balec
Si la BAC se trouve derrière ta porte, et que tu dois sauter par la fenêtre avec ta brochure, la méthode Balec est faite pour toi.
Tu empiles simplement les feuilles dans l’ordre d’impression, et tu plies le tout en deux. Voilà.
Méthode 2 : Kratshi
Kratshi, c’est le bruit que devrait faire ton agrafeuse pour la méthode no2. Ici c’est un peu plus compliqué, car après avoir empilé tes feuilles et les avoir plié pour marquer le centre, tu vas déboîter ton agrafeuse comme la machoire sur le trottoir d’American History X. Ça devrait te donner un objet d’apparence inutile, que tu vas appliquer, canons pointés au centre du pli, au dos de ta brochure. Après avoir protégé le dessous de ton tas de paperasse avec plusieurs cartons, il faut que tu donne un coup sec mais précis sur la tête de l’engin. (tu peux aussi appuyer ton genou dessus pendant 8 minutes et 46 secondes si t’es un flic) Normalement, tu devrais alors te retrouver avec des branches métalliques qui traversent ton feuillet. Il ne te reste donc plus qu’à les replier sur elles-mêmes pour que tes agrafes tiennent correctement. Good Job.
Méthode 3 : Carine la perle
Admettons que tu aies trop de temps à consacrer à ta reliure, et que tu aies des perles qui trainent dans tes poches, tu peux utiliser la méthode de Carine la punk. Ta brochure finale pourra alors servir de lecture militante et de boules de Geisha en même temps.

Voilà, t’as ton zine, prêt à être massivement jeté partout. Mais où par exemple ?
Si t’es super fièr·e de ton travail, et tu dois l’être un peu, (pas trop sinon tu vas saouler tout le monde) oublie pas de te toujours te promener avec un ou deux exemplaires dans ton sac. On sait jamais trop quand on va tomber sur un kiosk. En manif, il peut y avoir un caddie volé qui fera office d’infokiosk éphémere. Dans les squats, dans les ZAD, ya toujours un endroit ou exposer ton oeuvre. Chez des potes qui aiment laisser trainer des brochures sous les paquets de tabac vides qui ornent leur table basse. Et aussi dans des endroits qui paraissent pourtant vachement propre, comme à la Coutellerie à Frib’ ou le collectif L’Angle d’Attaque fait un gros gros taff pour offrir aux badaud·es un super truc à lire en buvant leur bière/sirop/thé. Va voir !
Plus que jamais, on a besoin de nous réapproprier le discours radical que le monde capitaliste bourgeois s’amuse à étouffer. Les imprimantes et les agrafeuses, c’est des armes. Apprenons à les manier.
Et comme disent les stagiaires du blog floraison :
Si, résister à la culture dominante est la dernière chance de nous sauver, alors, nous avons besoin d’une culture de résistance.

PS: Si tu veux imprimer cet article pour l’ajouter à un kiosk, je l’ai mis en page en carnet et en page par page.
La folle histoire du punk dans les luttes
voir série- LA KOLÈRE DU PUNK #1 VACHKIRI
- LA KOLÈRE DU PUNK HS #1 INFOKIOSK