Alors que le projet d’abattoir à volaille de St-Aubin fait son chemin à pas de loup, dans un brouillard opaque, la succursale de Courtepin est prise d’assaut par des militante.x.s de la cause animale.
Il est environ 4h du matin ce lundi 1er juillet lorsque des militante.x.s antispécistes débarquent dans le complexe de Micarna à Courtepin. Dans une vidéo diffusée en direct sur leur compte instagram, plusieurs dizaines d’activistes escaladent les barrières du périmètre et s’engouffrent dans les viscères du géant orange. Pieds de biche et pinces coupantes en main, l’infiltration se fait en une poignée de seconde. Une tactique rodée, efficace.
269 Libération Animale
Les cagoulé.x.s se revendiquent du collectif anarcho-antispé 269 Libération Animale, créé en 2016 après une scission avec 269 Life, une association animaliste plus modérée. Tiphaine Lagarde et Ceylan Cirik se distancient de l’association mère pour pouvoir revendiquer des actions plus radicales, de sabotage et de libération. Parmi plus d’une vingtaine d’actions mise sur pieds en Europe, en voici quelques-unes perpétrées sur le sol Suisse :
7 décembre 2017 : Blocage d’un abattoir à Vich1
27 mars 2018 : Libération de 18 cabris à Rolle2
22 novembre 2018 : Blocage des abattoirs Bell à Oensingen par plus de 130 activistes3
Les animaux libérés sont ensuite amenés dans des sanctuaires pour profiter de la vraie vie champêtre.
L’action directe comme stratégie de lutte
Tous les médias suisses ont relayé la même phrase du porte-parole de la police. « Les militants ne veulent pas entamer le dialogue ». Rien de mieux pour décrédibiliser une cause dans notre pays si sage et démocratique que de pointer du doigt le manque de coopération des activistes. En effet, iels restent muet.x.es comme des carpes. Pas de négociations, pas de troc, pas d’entourloupes. Derrière ce silence barricadier, c’est toute une stratégie qui est en perpétuelle évolution. Voilà ce qu’on peut lire sur leur site internet :
Le collectif 269 Libération Animale s’inscrit dans une nouvelle perspective de lutte antispéciste : une lutte politique ancrée dans un combat contre tous les systèmes de domination ; et fait l’apprentissage d’un antispécisme de praxis, révolutionnaire, basé sur l’action directe et construit avec les opprimé.e.s, loin du mouvement animaliste civilisationnel, citoyenniste et bourgeois dans lequel se complaisent aujourd’hui la grande majorité des militant.e.s et associations dites de « défense animale ».
Nous pensons que seule la confrontation directe peut nous permettre d’installer un vrai rapport de force avec le système spéciste ; nous affirmons que l’Etat et le système capitaliste ne seront jamais les alliés de nos luttes de libération. Peu importe la stratégie utilisée, à partir du moment où celles-ci font des demandes à l’État, elles ne peuvent aboutir qu’à des mesures autoritaires (lois, décrets, normes) qui seront en deçà des attentes de ceux qui désirent mettre fin à l’autorité spéciste.
Par l’usage de l’action directe, nous voulons attaquer le système de domination et l’outil de production capitaliste ; notre objectif n’est pas de sensibiliser l’opinion publique mais d’engendrer des effets concrets : dommages économiques, libérations de camarades exploités, activisme géographique par la création de sanctuaires. Nous refusons de collaborer avec le pouvoir institutionnel et capitaliste dans l’espoir d’obtenir des réformettes qui font gagner des adhérent.e.s. aux associations mais abandonnent nos camarades opprimés à leur sort ! C’est tout un système qu’il faut changer, pas simplement un article de loi.
Micarnage et Greenshifting
Micarna, la filiale extermination de Migros, est au centre de l’actualité depuis quelques temps. En effet, la construction d’un méga-abattoirs à volailles à St-Aubin4 est vivement critiquée par la population locale et les associations environnementales. Non, décapiter 40 millions de poulets par année (plus d’un par seconde !) n’a rien d’innovant. Le pompage de 3000m3 d’eau chaque jour dans une région fréquemment en stress hydrique n’est pas innovant. L’importation de tonnes de fourrage brésilien issu de la déforestation non plus. Mais sur ces points, Tristan Cerf nous répondra certainement qu’on ne comprend rien, qu’on est des paysans5.
Les deux plus grands distributeurs de viande en Suisse, Coop et Migros rejettent à eux deux plus de 45 millions de tonnes d’équivalent CO2 par an. Cela représente environ 30% de l’empreinte carbone du pays entier ! Et qu’est-ce qui pollue le plus dans leurs empires ? La viande. 43% chez Migros et 47% chez Coop6, c’est la part des émissions liée directement aux produits d’origine animale. Mais les deux géants se défendent comme tout bon libéral, « cé lé gen ki achète ». C’est ça qu’on appelle le Greenshifting. Encore un anglicisme dégueulasse mais qui signifie une pratique simple, renvoyer la faute au consommateur.
Si autant de gens achètent des produits souvent bien plus chers que leurs alternatives végétales, c’est dû au matraquage publicitaire façon Tsch Tsch. Chez Coop, le budget publicité pour les produits carnés est 6 fois plus élevé que celui alloué aux alternatives végétales. Les actions et le placement des produits en magasins est aussi pensé pour vendre un maximum de produits d’origine animale. Changer de paradigme est pourtant possible. Aux Pays-Bas, une grande enseigne a supprimé totalement la publicité pour les produits d’origine animale et indique que d’ici à 2050, la moitié des protéines vendues dans leurs supermarchés sera d’origine végétale7.
« Si les abattoirs avaient des vitres, tout le monde serait végétarien. »
Cette phrase qu’on doit à Paul McCartney n’est pas si naïve qu’on pourrait le croire. Je suis persuadé que la plupart des gens reconsidèreraient leur alimentation après une visite guidée dans une de ces usines. Serions-nous encore si nombreux à manger des animaux si, petits, nous allions visiter la Micarna plutôt que le Zoo ? Et je ne pense pas que cette idée est autant affreuse qu’on pourrait le croire à première vue. Ce qui se passe dans les abattoirs est Réel. C’est la réalité cachée sous chacune de nos assiettes carnées. Nous devrions y faire face.
À une époque et dans un pays où l’abattage des animaux est invisibilisé derrière d’épais murs en béton, le courage de ces activistes mérite le respect. Le courage de faire face à leur pire cauchemar, et à la funeste réalité de milliards d’êtres vivants dans le monde.
- https://www.rts.ch
- https://www.lematin.ch
- https://www.rts.ch
- Cette article paru sur notre journal il y a peu de temps permet d’approfondir le sujet.
- grosse ref’
- tous ces chiffres viennent d’une étude très complète de Greenpeace disponible ici
- https://www.jumbo.com
Bravo pour ce résumé!
Bon texte, bonnes réflexions