loader image

Guide pratique de l’action directe #2 – les chourses

Lire

Oyez oyez amiex combattantxe, militantxe, camarade, collègue, adelphe, ou quel que soit ton titre. Le temps est à la lutte. Plus que jamais, ou comme toujours, la résistance s’immisce partout. Que faire, comment nous suivre, quels sont les pas de cette danse, les canards ont-ils des poches, tant de questions, si peu de réponses sur les listes électorales, mais tant dans les feuilles de chou.


Aujourd’hui chaleureusxe humainx, la voie de La Chourse s’ouvre à toi. Devant toi, les portes d’un supermarché. Sur les étagères, la pitance. Dans ton porte-monnaie, quelques menus deniers durement acquis lors d’une activité probablement chiante à mourir. Et dans ce guide, l’action. La chourse, la reprise individuelle, l’autoréduction, le vol à l’étalage, le grand banditisme, la délinquance révolutionnaire, la vie de pirate saupoudrée d’un peu d’anarchisme.

Quelques lignes de théorie, un disclaimer, et ensuite le plongeon.

L’Action Directe, c’est ce que fait unxe individuxe ou un groupe pour peser sur un rapport de force et/ou changer une situation injuste, de manière autonome et directe. Globalement, agir par soi-même, pour soi-même. Pas d’intermédiaire, pas de bureaucrate, pas de politicien·nes, juste nous. Elle peut être légale, illégale, non-violente, violente.

L’illégalisme est quant à lui un courant de l’anarchisme qui prône le banditisme révolutionnaire. Ce banditisme peut être grand, tout comme il peut être petit. Parmi toutes les actions que nous pouvons retrouver sous le parapluie de l’illégalisme, on trouve la reprise individuelle, une action directe qui consiste à se réapproprier (soit seulx, soit pour un groupe) les richesses produites par nous, mais volées par les capitalistes. L’avantage, c’est que l’action peut-être individuelle. L’inconvénient, c’est que c’est effrayant. Mais moins que de cambrioler des banques.

Le disclaimer, c’est que personne n’est jamais obligéex de faire quoique ce soit. La peur est normale. La peur est un droit. La lutte a mille visages, et tu en es un. Prendre soin de soi, c’est de l’action directe. Et si prendre soin de soi veut dire ne pas aller voler des trucs à la Coop, alors ne vas pas voler des trucs à la Coop. Ces guides te montreront que tu as encore mille autres manières de résister.

Et maintenant petitex canneton, revêts tes plus belles palmes et viens batifoler dans l’eau.

Le fameux plongeon

En premier lieu, les risques :

Il faut savoir que chourser présente assez peu de risques en soit. Les employéexs de grande surface sont en sous-effectif, sous-payéexs, maltraitéexs, précaires et précariséexs. Très peu font du zèle, que ce soit par flemme, par conviction ou par fatigue. Les seulexs qui font du zèle sont les sécus. Si tu fais attention à toi, que tu fais également attention à ton environnement, et que tu ne fais pas n’importe quoi, du genre remplir ton sac en regardant la caissière dans les yeux, tu n’as que très peu de chance de te faire attraper. Fais attention surtout à t’écouter, on le répétera dans les tips en fin de guide.

Disclaimer numéro 2 : La prise de risque n’est pas la même suivant ton statut. Loin de nous l’idée de décourager des camarades, mais tu prends beaucoup plus de risques de te faire prendre si tu es une personne racisée, une personne issue de la migration, une personne sans papier, et plus globalement une personne subissant un système de domination. Fais donc encore plus attention à toi si tu l’es. Minimisons les risques au maximum de manière collective en soutenant les personnes les plus vulnérables à ceux-ci.

– Notons en premier lieu que «l’auteur·e ne se rend coupable de vol qu’à partir du moment de sa sortie du magasin en possession de l’objet. Ainsi, mettre un objet dans sa poche à l’intérieur de l’enceinte du négoce n’est pas punissable en soi.» (c’est la police qui le dit). Attention, c’est une règle valable en magasin, pas dans la villa de quelqu’un.

– Si un contrôle aléatoire des caisses automatiques tombe sur toi, il est très probable que la personne chargée de venir vérifier râle, lève les yeux au ciel et te scanne les articles que tu as omis pour te laisser les payer. Appeler la sécu lui demanderait de bloquer toute la file, de te mettre en attente dans un coin, d’appeler le-dit sécu, et de faire de l’administratif derrière. C’est une surcharge de travail qui n’en vaut pas la peine. Dans ce cas, tu risques donc juste de payer l’entier de ton panier.

– Dans le cas où il y a zèle, c’est-à-dire plus que de juste souffler et de te scanner tes articles oubliés, tu risques une amende administrative (celle qui est brandie sur les petits panneaux disant «le vol ne paie pas !») et potentiellement une interdiction de magasin. Les sécus très très zéléexs peuvent t’emmener dans un petit local à elleux, à condition que tu sois d’accord de les suivre, et appeler la police pour t’emmerder.
A la Coop, c’est 150.- d’amende et un fichage de 3 ans. A la Migros, c’est entre 50.- et 150.-, et un fichage de 5 ans dans la filiale concernée (sur Fribourg par exemple c’est Migros Neuchâtel-Fribourg).

– Il n’y a que les flics qui ont le droit de te fouiller. Les employéexs de magasin, dont font partie les sécus, peuvent seulement te demander d’ouvrir ton sac ou de vider tes poches, mais n’ont pas le droit de le faire à ta place. Cela nécessite donc ta propre coopération. S’iels ne l’ont pas, iels devront soit abandonner soit appeler la police, ce qui implique également de te retenir sur place jusqu’à ce qu’elle arrive et prenne le relais.

– Si le magasin décide de porter plainte suite à la découverte de ton vol, cela doit passer devant un tribunal. A nouveau, si ton butin s’élève à l’équivalent d’un bloc de tofu et un paquet de chips, le tribunal et tout le toutim n’en vaut la peine pour absolument personne.

– L’article 172ter du code pénal Suisse dit ceci : «Si l’acte ne visait qu’un élément patrimonial de faible valeur ou un dommage de moindre importance, l’auteur sera, sur plainte, puni d’une amende.» En dessous d’environ 300.- à 500.-, tu es tranquille.

– Tu peux avoir accès à ce que la police conseille de faire aux employéexs de caisse, et tu verras que c’est très timide. Peu de risques donc.

– Sur Fribourg, il y a une loi toute spéciale qui régit les caméras qui te filment dans les magasins, la Lvid. L’article 4 e) dit ceci : «à moins qu’elles ne soient conservées dans le cadre d’une procédure, les données enregistrées doivent être détruites après trente jours ou, en cas d’atteinte aux personnes ou aux biens, après cent jours au maximum.». Tu peux donc faire une petite pause d’un mois si tu as quelques doutes sur ta trop grande présence à l’écran.

– Si tu veux pouvoir identifier les détectives de magasin, qu’appelle également les poucaves dans le milieu, il s’avère que ce sont des gens qui listent toutes leurs méthodes dans les journaux (pas ici), mais également des petits tips pour chourser correctement. Si tu croises un homme en manteau et fedora, ne mets donc rien dans tes poches devant lui.

Ce qui nous amène au point qui brûle ton bec, tes droits :

– Tu peux donc refuser de vider tes poches, refuser qu’on te fouille, refuser de suivre les sécus dans leur petit local. A toi de sentir la température et de savoir s’il est mieux de coopérer pour minimiser les risques ou si les gens en face te semblent bien trop éreintéexs pour aller plus loin, à savoir appeler la police.

– Si la police vient sur place, c’est pour un contrôle d’identité, ce qui arrive le plus souvent dans le cas où c’est une personne racisée qui se fait attraper (ou juste contrôler et qui ne coopère pas). La police a un rôle : intimider. Personne ne va t’emmener au poste (à moins que tu lances des bouteilles de vin à travers le magasin pour te barricader derrière les frigos à roulettes), et elle ne va pas venir te chercher à 6h du matin chez toi si le magasin porte plainte. Ton droit, c’est de rentrer chez toi.

Et donc, le matériel :

– Le sac à dos avec une ouverture (faite main ou pas), soit sur le côté, soit dans le dos est très pratique. Il permet de glisser habilement et discrètement les articles dans le sac sans faire tout un cirque pour se cacher entre deux rayons. Il n’empêche pas de tout de même faire attention à ce qu’il se passe autour de toi. Tu peux globalement tout y mettre tant que ça rentre par l’ouverture (n’y mets pas ton paquet de chips).

– Le totebag présente l’avantage d’être déjà ouvert à portée de mains pour y glisser le nécessaire. Il présente l’inconvénient d’être ouvert à la vue de toustes. Il est pratique pour y glisser quelques objets pas trop volumineux au milieu de (ou entre) ses affaires si tu fais des petites courses (n’y mets pas ton paquet de chips). Si tu rentres des cours ou du travail et qu’il y a livres/cahiers/ordinateur portable dans ton sac, un bout de gruyère, une petite boîte carrée/rectangulaire (crème, surgelés, œufs à la limite), une barquette et/ou un sachet en plastique (gnocchis, charcut’ végé, sauces toutes prêtes, …) ou bien encore du contendant (carottes, épices, pot de beurre de cacahuète, tubes de dentifrice, …) se glissent volontiers parmi.

– Les (grandes) poches sont pratiques si tu fais deux trois courses à la va-vite pas trop réfléchies en amont. Un bloc de tofu, une pot d’épices, canette, bobines de fil, couverts et brosse à dent entrent dans la catégories des trucs qu’on peut mettre dans ses poches (n’y mets pas ton paquet de chips).

– Le sac à dos normal fonctionne. Il demande toutefois un peu plus d’assurance que les autres méthodes et il est donc conseillé de ne pas s’y mettre de suite. Une fois que tu auras eu l’occasion de tester tes méthodes préférées et de te sentir comme un canard dans l’eau, tu te rendras compte que peu de gens prêtent attention à toi et ton petit sac à dos qui se remplit. Cela reste une option tout de même bien moins discrète et donc plus anxiogène. Mais tu peux y mettre ton paquet de chips.

– Tes mains sont des outils puissants. Elles sont conseillées plutôt pour les objets, appareils ménagers, gourde, vaisselle, parapluie, boîte de jouet, pack de feuilles pour l’imprimante, … La technique, c’est de partir avec (ne prends donc pas un milliard de trucs dans tes mains).. Juste ça. Ca demande une bonne dose d’assurance, mais en fait, personne au monde qui te voit partir de la Coop avec une bouilloire dans les mains ne se dira que tu ne l’as pas payée.

– Un aimant fort ou un sac en alu (sac à Farraday). Pour les chourses qui ne concernent pas la nourriture mais plutôt le matériel, comme les habits, il faut ne pas sonner à la sortie. Avec un aimant fort, tu peux ouvrir les antivol sur place. Il y a également la possibilité de faire un sac en alu pour faire sortir des habits du magasin sans sonner. Si c’est intéressant pour toi, tu peux aller vérifier dans la brochourre mise en lien en fin de guide comment faire ça.


Ensuite, les méthodes :

– Seulxe. L’avantage, c’est de pouvoir suivre sa propre méthode préférée, y aller à son rythme, hésiter, tâtonner, ou foncer. La reprise individuelle est une action directe qui est très sensée – et faisable – individuellement.

– A plusieurs. Collectivisons la chourse, collectivisons les risques. Y aller en groupe de 2-3-4-5, en se divisant la liste de courses commune (donc composée des différentes listes de courses des individuexs du groupe). De cette manière, on minimise les risques, on augmente la capacité du panier, on réduit la facture si amende il y a, et on créé une euphorie de groupe. On peut même faire une caisse commune pour payer les potentielles amendes.

– A la caisse automatique. A première vue, on se dit que le moins d’interactions possibles avec des humains est un avantage. A s’y pencher, une machine est bien moins faillible et surtout empathique qu’une personne vivante. Ce qui fonctionne bien en caisse automatique, c’est d’avoir un panier pas trop rempli, de scanner deux trois trucs et de louper les autres. Si une caisse est en mode contrôle aléatoire, les autres ne peuvent pas sonner. L’autre astuce en caisse automatique consiste à sortir un ticket de quelque chose de peu cher (des bananes par exemple), de le coller sur un truc cher emballé (genre un rasoir électrique ou un mixeur) et ensuite de le biper à une caisse automatique, ce qui te permet de payer ton mixeur au prix d’une banane.

– A la caisse avec unx humain. Les personnes qui sont à la caisse ne sont ni assez payées, ni assez bien traitées pour aller fouiller dans les sacs des gens qui passent à leur caisse. Deux trois choses sur le tapis roulant contre tout le reste dans le sac est une méthode qui a fait ses preuves.

– Le style vestimentaire. S’habiller tout en noir avec des lunettes de soleil, un bonnet et un masque noir peut sembler être une bonne technique mais n’en est pas une. Avoir l’air de quelqu’unxe qui vient faire ses courses normalement est la clef. Tu as le style vestimentaire d’un enfant ? Profites.

– L’attitude. Un catalogue entier d’émotions, de visages et de personnages s’offre à toi. Tu peux jouer la personne très pressée, ce qui justifierait des oublis à la caisse automatique. Tu peux jouer la personne tête en l’air ou très préoccupée par une quelconque émotion négative, ce qui pourrait justifier de partir avec une bouilloire sans payer. Tu peux également incarner un personnage perdu, apeuré, craintif, enfantin, que personne n’oserait fouiller. Ou alors, tu offres ta personne la plus chaleureuse, aimable, bienveillante et honnête, puisque personne ne peut avoir l’outrecuidance de suspecter unxe grandxe prince.sse.x de la superette. La grande surface est ton théâtre, le capitalisme ton public.

Mais quelles applications ? :

La chourse amène à se poser des questions sur sa manière de consommer et sur ses besoins. Les chourses se concentrent donc principalement sur l’alimentation. Mais pas que. A toi de définir tes besoins (qui impliquent également de temps à autres des besoins non essentiels oui oui, pense également à ta santé mentale. Ne profite toutefois pas de cette phrase pour avoir un nouveau téléphone toutes les semaines.).

Globalement, la reprise individuelle prend place dans les grandes surfaces. Voler des artisannexs, des petistexs commerçantexs, au marché ou dans des établissements de seconde main n’est pas envisageable. Tu veux voler un livre ? Va chez Payot (ou à la Fnac). Tu veux l’acheter pour soutenir ? Va dans une librairie indépendante.

Deux trois tips pour finir :

– Commence petit. Glisse un pot de sel dans ton sac en faisant tes courses. Observe la manière dont tu te sens en le faisant. Ne prends pas la confiance trop vite. Essaie des trucs pour savoir ce qui est le plus aisé (et aisant) pour toi. Demande à unxe ou des potes de t’attendre dehors pas trop loin les premières fois si ça te rassure de te fondre dans un groupe en sortant.

– Change de vêtements. Ca peut paraître un peu stupide, mais évite d’y aller habilléex tout le temps de la même manière.

– Espace un peu. N’y va pas trois fois par jour par exemple. Change de magasin de temps à autres.

– Ne culpabilise pas. Des fois, on n’y arrive pas. Des fois, on se sent trop vulnérable. Des fois, on ne se sent pas assez en confiance. Des fois, on est trop triste, fatiguéex, en colère, ou tout autre émotion. Des fois, on n’ose pas. Et c’est ok. C’est normal. La vie de pirate, ça fatigue.

– Ne culpabilise pas non plus si t’es faitxe chopper une fois, ou même plusieurs. Ca arrive et ça fait partie des risques. C’est normal d’être affectéex, c’est ok de ne plus oser chourser, pour toujours ou pendant un moment. Prends soin de ça, prends soin de toi, fais appel à la collectivité pour prendre soin de toi et du groupe.

– Les chips, c’est l’objet ultime. C’est volumineux pour rien, ça fait du bruit et c’est hyper voyant. Le paquet de chips, c’est ton graal. Ne te jette pas tout de suite sur le paquet de chips et attends d’avoir bien rôdé tes méthodes avant.

Et maintenant va, vole de tes propres ailes et cancane de joie en observant ton panier de victuailles labelisées anar.


Si ta soif de savoir n’a pas été épanchée, saches que tu peux aller gigner par ici pour encore plus de trucs sur ce sujet : https://infokiosques.net/spip.php?page=lire&id_article=1345.

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.